Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/507

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de Celui qui peut accomplir ses promesses lorsqu’on désespère le plus d’en voir l’accomplissement, afin que vous connaissiez la foi et la patience de ses serviteurs, à qui les accidents les plus tristes ne peuvent faire perdre l’espoir des biens qu’ils attendent.
Cependant les frères de Joseph, poussés par la famine qui les faisait marcher malgré eux, qui les traînait comme par la main d’un soldat devant leur frère établi gouverneur d’Égypte, se présentent à lui pour acheter du blé. Joseph les ayant traités d’espions (Gen. 42, 9) : Quoi donc ! se disent-ils les uns aux autres, nous venons pour acheter du blé, et nous courons risque de perdre la vie ! Oui, sans doute, puisque votre frère, vous apportant de la nourriture, a couru des risques pour ses jours ; avec cette différence néanmoins qu’il a couru des risques réels, au lieu qu’il ne vous menaçait que pour vous effrayer. Sans être votre ennemi, il jouait le rôle d’un ennemi, afin d’apprendre exactement ce qui se passait dans sa famille. Les frères de Joseph avaient signalé à son égard leur méchanceté et leur ingratitude, Joseph ne voyait pas Benjamin avec eux, craignant alors que cet enfant n’eût éprouvé le même sort que lui, il ordonne que l’un d’eux soit laissé et enfermé, et il permet aux autres de partir avec le blé qu’ils avaient acheté, menaçant de les faire mourir s’ils ne lui amenaient leur jeune frère. Ensuite il leur dit : Laissez quelqu’un d’entre vous, et amenez-moi votre frère, sinon je vous ferai mourir ; que se dirent-ils alors les uns aux autres ? C’est justement que nous souffrons tout ceci parce que nous avons péché contre notre frère, que nous ne l’avons pas écouté lorsqu’il nous suppliait. Voyez-vous depuis combien d’années ils se rappellent leur ancienne faute ! Ils avaient dit autrefois à leur père : Une bête cruelle a dévoré Joseph (Gen. 37, 35) ; et maintenant en présence de Joseph lui-même qui les entendait, ils confessaient leur attentat. Chose étonnante ! nous voyons ici un jugement sans corps de preuves, une apologie sans accusation, la conviction d’un fait sans témoins, les auteurs du crime s’accusant eux-mêmes, et publiant ce qui s’était passé dans le secret. Qui donc leur a persuadé, les a forcés d’exposer au grand jour un forfait commis il y a si longtemps ? n’est-il pas clair que c’est la conscience, ce juge incorruptible, qui agitait sans cesse leur âme et qui la troublait ? Celui dont ils avaient médité la mort, assis sur un tribunal, les jugeait en silence ; et sans qu’on rendît contre eux de jugement, ils prononçaient eux-mêmes contre eux-mêmes une sentence de condamnation. Ils se condamnaient donc les uns les autres ; l’un d’eux se justifiait en ces mots : Ne vous ai-je pas dit alors : Ne faites pas de mal à cet enfant, ne commettez pas un si grand crime contre votre propre frère ; c’est son sang aujourd’hui que Dieu redemande de nous ? Toutefois Joseph, qu’ils avaient voulu immoler à leur envie, ne leur parlait pas de leur action criminelle ; mais, assis sur son tribunal, sans les interroger sur leur faute, il demandait qu’ils lui amenassent leur jeune frère. C’était leur conscience qui, saisissant cette occasion, s’élevait contre eux, leur faisait éprouver ses vifs remords, et, sans que personne les y forçât, leur faisait confesser leur crime. C’est ce qui nous arrive souvent à nous-mêmes pour nos fautes passées ; les maux et les disgrâces que nous éprouvons nous rappellent le souvenir de ces fautes.
7. Convaincus de cette vérité, lorsque nous avons fait quelque mauvaise action, n’attendons pas qu’il nous survienne des malheurs, que nous soyons exposés à des périls, jetés dans les fers ; mais interrogeons chaque jour et à chaque moment le juge placé au dedans de nous, prononçons contre nous-mêmes, cherchons tous les moyens de nous justifier devant Dieu ; ne disputons pas sur la résurrection et sur le jugement dernier, ne permettons pas que d’autres disputent sur ces objets ; mais fermons-leur la bouche par toutes les raisons que nous venons de produire. Non, si nous ne devions pas un jour rendre compte de ce que nous avons fait de mal, Dieu n’aurait point placé au dedans de nous un pareil juge ; il ne nous aurait point fait ce présent, qui est une preuve insigne de sa bonté. En effet, comme il doit nous demander compte un jour de nos œuvres, il nous a donné la conscience, ce juge incorruptible, qui, nous jugeant ici-bas sur nos fautes et nous rendant plus sages, nous fera éviter la rigueur du dernier jugement. C’est ce que dit saint Paul : Si nous nous jugions nous-mêmes, dit cet apôtre, nous ne serions pas jugés parle Seigneur. (1Co. 2, 31) Voulons-nous donc n’être pas punis alors, ne pas rendre compte de nos actions, descendons chacun dans notre conscience, examinons notre vie, et, parcourant toutes nos fautes avec exactitude, condamnons notre cœur qui les a commises, affligeons notre âme

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