Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/529

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bon, quoique ce fut bien peu de chose, car il dit : J’ai péché en livrant le sang innocent. (Mat., 27, 4) Ainsi que je le disais, la méchanceté ne domine jamais tellement la nature de l’homme que la vertu n’y puisse trouver une place. La brebis ne pourrait devenir farouche, car elle a naturellement la douceur en partage ; le loup ne pourrait jamais devenir doux, car il est naturellement farouche : les lois de la nature ne sont donc ni détruites ni ébranlées, mais elles restent immuables. En moi il n’en est pas de même ; le suis féroce quand je veux, et doux quand je veux ; je ne suis pas enchaîné par la nature, mais je suis doué du libre arbitre. Comme je le disais donc, personne n’est tellement bon qu’il n’ait quelques petites souillures, et personne n’est tellement mauvais qu’il n’ait au moins un peu de bon.
Chaque chose a sa rétribution, chaque chose a sa récompense. Ainsi, quoiqu’un homme soit homicide, quoiqu’il soit méchant, quoiqu’il commette des injustices, s’il fait quelque chose de bon, il recevra la récompense de ce bien, et ce qu’il a fait de mal ne saurait priver ce bien de ce qu’il mérite. De même, quoiqu’il ait fait mille bonnes œuvres, s’il fait quelque mal, il recevra la punition de ce mal. Retenez bien ceci et conservez-le fermement et immuablement en vous. Personne n’est bon au point de n’avoir aucun péché ; personne n’est mauvais au point d’être dépourvu de toute justice. Je vous redis les mêmes choses afin de les enraciner, afin de les planter, afin de les fixer profondément. Car le démon jette dans vos âmes certaines inquiétudes afin de séduire vos esprits et de détruire l’effet de mes paroles. C’est pourquoi je les fais pénétrer jusqu’au fond de vos cœurs. Car si, pendant que vous êtes ici, vous les placez en lieu sûr, vous aurez beau aller dehors, vous ne pourrez les perdre. Si je mets de l’or dans une bourse, je la lie étroite' ment et je la scelle de peur que le voleur ne l’enlève pendant mon absence. J’en agis de même avec votre charité : par l’insistance que je mets à vous inculquer mes enseignements, je serre fortement et je pose les sceaux, je fortifie votre esprit afin qu’il ne perde pas ses forces dans l’indolence, et je cherche à conjurer les troubles du dehors en l’établissant ici dans le calme. Non, ce que je dis n’est pas l’effet de la loquacité, mais l’effet de la sollicitude, de la tendresse, de l’amour d’un maître qui craint que ses leçons ne soient perdues. Sans me causer de peine à moi, ma parole produit votre salut ; je veux instruire et non pas seulement faire de l’ostentation. Il n’est donc pas un juste qui soit sans péché, et il n’est pas un pécheur qui n’ait quelque bonne qualité. Et comme chaque chose reçoit sa rétribution, considérez ce qui arrive. Le pécheur reçoit une récompense équivalente à ses qualités, pour peu qu’il ait fait de bien ; et le juste reçoit un châtiment équivalent à son péché, pour peu qu’il ait fait de mal. Qu’arrive-t-il donc, et que fait Dieu ? Il a décrété la peine du péché, soit pour la vie présente, soit pour le siècle à venir. Si donc un homme qui est juste et qui a fait quelque mal est malade ici-bas et subit un supplice, ne vous en troublez pas, mais pensez en vous-mêmes et dites : cet homme juste a probablement fait quelque mal, et il en reçoit le châtiment ici-bas, afin de n’être pas puni dans l’autre vie.
Au contraire, si vous voyez un pécheur qui vole, qui trompe, qui commet mille actions mauvaises, et qui cependant vit clans la prospérité, pensez que sans doute il a fait quelque bien, et qu’il reçoit le prix de ce bien ici-bas, afin que dans l’autre vie il n’ait pas à demander de salaire. De même, si un homme (lui est juste éprouve quelque malheur, il le reçoit ici-bas afin d’expier en cette vie son péché et de s’en aller dans l’autre parfaitement pur. Et si un pécheur qui est chargé de mauvaises actions, qui est en proie à mille maladies de l’âme incurables, qui vole, qui trompe, coule ici-bas des jours heureux, c’est afin que dans l’autre vie il n’ait pas à demander de récompense. Comme il arrivait donc que Lazare avait fait quel(lues fautes, et le riche quelque bien, Abraham parle ainsi : Ne réclame rien ici, tu as reçu tes biens sur la terre, et Lazare ses maux. Et pour que vous sachiez bien que je ne dis pas cela sans de bonnes raisons, et qu’il en est réellement ainsi, voici ses paroles : Tu as reçu tes biens. Lesquels ? As-tu fait quelque bien ? tu as reçu les richesses, la santé, les délices, la puissance, les honneurs ; il ne t’est plus rien dû : Tu as reçu tes biens. Mais quoi ! Lazare n’a-t-il fait aucune faute ? Si : et Lazare ses maux. Lorsque tu recevais les biens, Lazare recevait les maux : c’est pourquoi maintenant il est consolé, et toi tu es dans les tourments. Si donc vous voyez un juste châtié ici-bas, estimez-le heureux, et dites : Ou bien cet homme