Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/533

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de vous faire arriver à la science de la vertu ; tandis que quelques-uns de ceux qui se réunissent ici, renversent en un instant par terre, et à peu près de leurs propres mains, c’est-à-dire, par une indicible insouciance, une construction élevée au prix de tant de fatigues, nous causant par là un grand découragement et se causant à eux-mêmes une perte énorme, un dommage incalculable.
2. Peut-être avons-nous fait une réprimande trop sévère ; oui, trop sévère pour notre tendresse, mais pas encore assez pour la gravité de la faute. Néanmoins, puisqu’il faut tendre la main à ceux qui ont fait une chute et montrer une bienveillance de père envers ceux qui se sont montrés si négligents, nous ne désespérons pas malgré tout de leur salut, pourvu toutefois qu’ils veuillent bien ne pas retomber dans les mêmes fautes, cesser dès maintenant d’être insouciants et s’interdire l’entrée de l’hippodrome et de tous les spectacles sataniques de ce genre.
En effet, nous avons un Maître plein de charité, de douceur et de sollicitude, qui connaît la faiblesse de notre nature, et qui, lorsque vaincus par la négligence nous sommes tombés en quelque faute, ne nous demande qu’une chose, de ne pas désespérer, mais de quitter le péché et de recourir en toute hâte à la confession. Et si nous le faisons il promet de nous accorder promptement le pardon, car c’est lui-même qui dit : Celui qui est tombé ne se relève-t-il pas, et celui qui s’est détourné du chemin n’y revient-il pas ? (Jer. 8, 4) Sachant cela, gardons-nous donc de mépriser un si bon Maître, mais surmontons une habitude funeste et ne prenons pas la porte large et la voie spacieuse, ainsi que vous avez entendu aujourd’hui notre commun Maître nous en avertir dans l’Évangile par ces paroles : Entrez par la porte étroite, car la porte large et la voie spacieuse est celle qui conduit â la perdition, et il y en a beaucoup qui y passent. (Mat. 7, 13) En entendant parler d’une porte large et d’une voie spacieuse, ne vous laissez pas séduire par ce que ces expressions semblent, de prime abord, offrir d’attrayant, et ne vous arrêtez pas à cette considération qu’un grand nombre y passent, mais songez plutôt qu’elle se termine par une issue où l’on est fort à l’étroit. Remarquez aussi prudemment que dans cet avertissement il n’est pas question d’une porte matérielle, ni simplement d’une voie, mais qu’il s’agit de notre vie tout entière, de la vertu et du vice. C’est pour cela que tout en commençant Notre-Seigneur dit ces paroles : Entrez par la porte étroite, désignant par là la porte de la vertu. Ensuite après avoir dit : Entrez par la porte étroite, il nous apprend le motif pour lequel il nous fait cette exhortation : Quoiqu’elle soit étroite, semble-t-il dire, et qu’elle nécessite beaucoup de travail à son entrée, si vous vous donnez un peu de peine, vous parviendrez à un endroit large et spacieux où vous pourrez trouver une grande tranquillité. Ne vous arrêtez donc pas, je le répète, à cette considération qu’elle est étroite ; que le début ne vous trouble pas et que l’étroitesse de l’entrée ne vous rende point hésitants et paresseux, car la porte large et la voie spacieuse aboutissent à la perdition. Un grand nombre, séduits par le commencement et le début, et ne soupçonnant en aucune manière ce qui devait arriver, se sont eux-mêmes livrés à la perdition. C’est pourquoi le Sauveur dit que large est la porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition, et qu’il y en a beaucoup qui y passent. Et c’est avec raison qu’il a nommée large la porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition. En effet ceux qui s’empressent de courir aux jeux du cirque et aux autres spectacles de Satan, qui disent adieu à la tempérance, qui ne font point de cas de la vertu, qui veulent se livrer à la débauche, qui se plongent dans la volupté et les jouissances de la table, qui sont chaque jour consumés par la frénésie et la passion des richesses, et qui ambitionnent les commodités de la vie présente, s’engagent dans la porte large et sur la voie spacieuse. Mais lorsqu’ils se sont avancés bien avant ; lorsqu’ils ont amassé un lourd fardeau de péchés, épuisés, et arrivant au terme de la route, ils ne peuvent avancer plus loin, gênés qu’ils sont dans la voie qui devient de plus en plus étroite, et ils ne peuvent la parcourir à cause du poids énorme de péchés qui les accable. Aussi sont-ils obligés de rouler dans l’abîme de la perdition. Que sert-il donc, dites-moi, d’avoir pendant un peu de temps marché dans une voie large si l’on aboutit a la mort éternelle, d’avoir vécu en songe, pour ainsi dire, dans les délices, si c’est pour être ensuite châtié dans la réalité ?
La vie présente tout entière n’est que le songe d’une nuit si on la compare au châtiment,