Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/537

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en portent seulement le nom ? C’est que souvent elles deviennent même pour nous la cause de notre perte si nous n’en usons pas comme il faut. En effet, les richesses seront un bien pour leur possesseur s’il ne les consume pas dans les délices, dans l’ivrognerie et dans les plaisirs nuisibles, mais si usant avec modération des plaisirs permis il répand son superflu dans le sein des pauvres ; oui, dans ce cas les richesses sont un bien. Mais si on se livre à la volupté et au désordre, non-seulement elles ne sont d’aucune utilité, mais elles précipitent dans un profond abîme. C’est ce qui arriva au riche dont nous parlons, et voilà pourquoi le patriarche lui dit : Mon fils, souviens-toi que durant ta vie tu as reçu tes biens. Tu as reçu les choses que tu croyais être de vrais biens, et Lazare a de même reçu les maux : non pas que Lazare les crût des maux, à Dieu ne plaise ! Le patriarche parlait d’après l’opinion du riche. Celui-ci, en effet, s’était fixé dans cette opinion, il croyait que les richesses, les mets recherchés, le libertinage, étaient des biens, et il soupçonnait que la pauvreté, la faim et la mauvaise santé étaient des maux. Conformément donc à ce que tu croyais et selon le jugement que tu portais, souviens-toi que tu as reçu les choses qui, à ton avis, étaient des biens, puisque tu as parcouru la voie large et spacieuse ; et que Lazare, de son côté, a reçu les maux, selon ta manière de voir, puisqu’il a passé par la porte étroite et la voie resserrée. Toi tu ne considérais que le début de la voie, tandis que lui portait ses regards vers le terme, et l’entrée de la carrière quoique pénible, n’a pas affaibli son courage. Voilà pourquoi maintenant il est ici dans la consolation, tandis que tu es dans les tourments ; voilà pourquoi vous êtes arrivés à deux fins si différentes. Vous avez vu dans sa réalité le terme de la voie spacieuse et large ; vous avez appris l’heureux terme auquel a abouti celui qui avait choisi la porte étroite et la voie resserrée. Écoutez maintenant ce que la réponse a de plus terrible : Et de plus, dit Abraham, un grand abîme a été creusé pour toujours entre nous et vous, afin que ceux qui voudraient aller d’ici à vous ne le puissent pas, non plus que ceux qui voudraient venir à nous de là où vous êtes. Ne passons pas légèrement sur ces paroles, chers auditeurs, mais réfléchissons à leur exactitude, à la considération dont jouit et au rang qu’occupe celui qui était couché à une porte, cet être méprisé, ce pauvre qui luttait continuellement contre la faim, qui était couvert d’ulcères et livré à la merci des chiens.
C’est avec plaisir que je reviens fréquemment sur ces considérations, afin que nul de ceux qui sont en proie à l’indigence, aux maladies et à la faim, ne se méprise et ne se croie malheureux ; mais que, supportant tout avec patience et action de grâce, chacun d’eux nourrisse en lui un espoir salutaire dans l’attente des ineffables récompenses et du prix de ses travaux. Et de plus. Que veut dire ce mot : De plus ? Après avoir dit : Toi tu as reçu durant la vie présente toutes les choses que tu croyais être des biens, et Lazare a reçu les choses que tu croyais être des maux, Abraham ajoute ce mot, afin d’apprendre au mauvais riche que chacun d’eux a reçu la fin qui était la conséquence naturelle de leur vie pour toi, après les biens dont tu pensais jouir, tu as reçu l’affliction, la gêne et le feu inextinguible ; et Lazare, après avoir lutté toute sa vie contre les choses que tu croyais toi-même être des maux, a reçu les délices, la jouissance de tous les biens et une place parmi les saints. Chacun de vous a donc obtenu la fin qui convenait : la porte large et la voie spacieuse t’ont fait aboutir à cette horrible gêne ; la voie étroite et resserrée a conduit Lazare à cette félicité. Et de plus un grand abîme a été creusé pour toujours entre nous et vous. Considérez ce pauvre, couvert d’ulcères (car je veux le dire encore une fois) réuni au patriarche et agrégé au chœur des justes. Car entre nous et vous, dit Abraham. Voyez-vous quel rang a obtenu celui qui avait supporté avec patience et même avec reconnaissance la faim et une cruelle maladie ? Car un grand abîme, dit Abraham, a été creusé pour toujours entre nous et vous. La distance qui nous sépare, dit-il, est considérable ; ce n’est pas seulement un abîme, mais un grand abîme. Et, en effet, il y a un intervalle immense entre la vertu et le vice, une différence énorme ; car l’un est large et spacieux, tandis que l’autre est étroite et resserrée ; la volupté est large et spacieuse, la pauvreté, l’indigence est étroite et resserrée. Si les voies sont opposées, et quoi de plus opposé que la virginité, la chasteté, l’amour de la pauvreté d’une part et de l’autre, l’ivrognerie, l’intempérance, l’avarice insensée, l’incontinence, la soif des spectacles honteux ? Si les voies sont opposées, dis-