Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous seconder. Écoutez plutôt ce qu’il dit dans les Évangiles : « Quel est d’entre vous l’homme qui, si son fils lui demande du pain, lui « présentera une pierre ? Ou, si c’est un poisson qu’il lui demande, lui présentera-t-il un serpent ? si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ? » (Mt. 7,9, 49) Voyez-vous combien grande est cette bonté auprès de laquelle la nôtre ne paraît plus que méchanceté ? Puisque tel est notre maître, recourons toujours à lui, invoquons-le, lui seul, à notre aide et nous le trouverons prêt à nous sauver. Si des naufragés réfugiés sur une planche flottante n’ont qu’à appeler les premiers venus du plus loin qu’ils les aperçoivent, pour émouvoir leur charité, bien qu’ils n’aient rien de commun avec eux, et pas d’autre recommandation que leur infortune, à bien plus forte raison le bon Dieu en qui la miséricorde est innée a-t-il pitié des malheureux, pour peu qu’ils consentent à recourir à lui, à l’invoquer avec ferveur, renonçant à toutes les espérances humaines. Par conséquent, si vous venez à tomber dans quelque infortune imprévue, ne vous laissez pas abattre, relevez aussitôt votre courage et réfugiez-vous dans ce port sans orages, dans cette imprenable tour qui est l’assistance de Dieu. Car si Dieu vous laisse tomber, c’est afin que vous l’invoquiez. Mais c’est justement alors que la plupart se laissent décourager et perdent jusqu’à la piété qu’ils avaient, quand ils devraient faire tout le contraire. C’est l’amour extrême de Dieu pour nous, c’est son désir de nous attacher plus étroitement à lui qui le détermine à souffrir que nous tombions dans la peine. Les mères se servent de masques effrayants pour forcer leurs enfants rebelles à se jeter dans leurs bras : ce n’est pas qu’elles veuillent leur causer du chagrin, mais elles imaginent ce moyen pour les retenir auprès d’elles. De même Dieu, dans son désir constant de vous attacher à lui, dans son amour extrême, si ce n’est trop peu dire encore, permet que vous tombiez dans de telles épreuves : et c’est afin que vous vaquiez perpétuellement à la prière, que vous l’invoquiez continuellement, que vous négligiez tout le reste pour ne songer qu’à lui. « O Seigneur, délivrez mon âme. » Un autre interprète traduit : « Je vous en prie, Seigneur, retirez mon âme. » Un autre : « O Seigneur, sauvez mon âme. »
Voyez-vous la sagesse du Psalmiste ? Comment il oublie toutes les choses mondaines pour s’occuper d’un seul objet, de maintenir son âme à l’abri de toute atteinte qui pourrait lui porter préjudice ? En effet, si l’âme se porte bien, tout le reste suivra : au contraire si elle va mal, il n’est point de prospérité qui puisse dès lors nous être bonne à quelque chose. Aussi ne faut-il négliger aucun moyen, action ou parole, pour la sauver. C’est le sens caché dans cette parole : « Soyez prudents comme les serpents. » (Mt. 10,16) Ainsi que le serpent sacrifie le reste de son corps pour sauver sa tête, ainsi vous devez, vous, tout immoler au salut de votre âme. En effet, ni la pauvreté, ou la maladie, ni cet autre mal qui paraît être comme le résumé des autres, la mort, ne sont en état de nuire à ceux qu’ils frappent, tant que leur âme reste intacte : pareillement la vie même cesse d’être un avantage, quand l’âme est perdue ou gâtée. C’est pour cela que le Psalmiste parle de l’âme et de l’âme seule, qu’il souhaite que le jugement ne lui soit pas rigoureux, et qu’elle échappe aux intolérables supplices. « Le Seigneur est miséricordieux et juste, et notre Dieu a pitié (5). » Voyez-vous comment il enseigne à l’auditeur à ne pas désespérer, à ne point se décourager ? C’est à peu près comme s’il disait : point de désespoir : Dieu est miséricordieux. Point de découragement : Dieu est juste. De cette façon il guérit l’un du relâchement, l’autre du désespoir : et par là il travaille doublement à notre salut.
2. Puis, afin de montrer que Dieu incline plutôt vers la miséricorde, il poursuit en répétant : « Et notre Dieu a pitié. » Il dit à dessein « notre Dieu », afin de l’opposer aux dieux dont il a parlé précédemment. Ces autres dieux ont pour occupation le meurtre, le massacre, les guerres sans trêve. Le nôtre ne songe qu’à répandre ses bienfaits, à pardonner, à nous tirer de péril et rien n’est plus propre à montrer que ces divinités ne sont que des démons funestes, tandis que notre Dieu est un Dieu bon, un Dieu protecteur, un Dieu véritable.
« Le Seigneur veille sur les petits enfants, j’ai été humilié et il m’a sauvé (6). » Il touche ici un côté fort important de la Providence. « Miséricordieux et juste, il a pitié », il aborde une des œuvres les plus frappantes de cette