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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/161

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bonté. Quelle œuvre ? Celle qui s’opère sur les petits enfants. Nous avons, nous dans la raison un maître qui nous instruit de ce que nous devons éviter, rechercher, qui nous enseigne à repousser loin de nous les maux qui s’approchent, à nous affranchir de ceux qui nous accablent, nous avons des forces, nous connaissons des expédients ; faute de pareils secours, les enfants seraient sans protecteur, pour ainsi dire, s’ils ne trouvaient une assistance assurée dans la Providence divine qui ne saurait s’éloigner d’eux un seul moment sans les livrer tous à une perte certaine. Sans cela les serpents, les volatiles domestiques, tant d’autres animaux qui hantent les maisons tueraient dans les langes les jeunes nourrissons. Ni nourrice, ni mère, ni personne, ne sauraient montrer une sollicitude suffisante, pour les préserver, s’il leur manquait l’appui d’en haut. Quelques-uns croient d’ailleurs qu’il s’agit ici des enfants encore emprisonnés dans le sein maternel. « J’ai été humilié et il m’a sauvé. » Il ne dit pas : Dieu n’a pas permis que je fusse en péril, mais bien, j’ai été en péril et il m’a sauvé. En effet, après avoir parlé de la Providence en général, il continue à parler en son propre nom, suivant son usage d’associer partout le général et le particulier. N’allez donc pas, mes chers frères, rechercher une vie à l’abri de tous les orages, ce ne serait pas un bien pour vous. Si les prophètes n’y trouvaient point leur avantage, à plus forte raison n’y trouveriez-vous pas le vôtre. Ils n’y trouvaient point leur avantage, dis-je, écoutez en effet : « C’est un bien pour moi que vous m’ayez humilié, afin que je connaisse vos jugements. » Ici Dieu est remercié de deux choses, d’avoir permis le péril et de n’avoir pas abandonné l’homme en danger. Ce sont deux espèces de bienfaits, et le premier n’est pas inférieur à l’autre, ou même, si j’ose le dire, il est plus grand. En effet, le second n’a eu pour effet que d’écarter le péril, le premier a rendu l’âme plus sage. « Rentre, ô mon âme, dans le repos, parce que le Seigneur a répandu sur toi ses bienfaits (7). Parce qu’il a délivré mon âme de la mort, mes yeux, des larmes, mes pieds de la chute (8). Je serai agréable en présence du Seigneur, au pays des vivants (9). » L’interprétation historique fait voir ici une délivrance merveilleuse, un soulagement, un affranchissement. Mais si l’on veut prendre ce passage dans le sens anagogique, on pourra se représenter cet affranchissement comme notre départ d’ici-bas et retrouver lit le repos dont il s’agit. Car on échappe par là à tous les dangers imprévus et l’avenir cesse d’être un mystère inquiétant, on est en sûreté une fois qu’on a quitté la terre le cœur plein de bonnes espérances. En effet, quoique la mort ait été introduite ici-bas par le péché, cela n’empêche pas que Dieu ne la fasse servir à notre avantage. Voilà pourquoi il n’en est pas resté là, mais a rendu de plus notre existence pénible : c’est afin de nous faire comprendre qu’il n’aurait pas permis la mort elle-même, si cette œuvre de sa sagesse n’était pas très-utile. Voilà pourquoi après avoir dit : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras », il ne s’est pas borné à exécuter sa menace, en disant : « Tu es terre et tu retourneras en terre. » Mais voici ce qu’il ajoute : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. La terre produira pour toi des épines et des ronces, elle te nourrira dans la peine. » Et il dit à la femme : « Je multiplierai tes douleurs et tes gémissements. Tu enfanteras dans les douleurs. » C’est que la mort n’aurait pas suffi pour les rendre sages. Il est vrai qu’elle corrige beaucoup d’hommes, car sa venue les rend insensibles. Mais les épreuves de la vie nous améliorent de notre vivant. Que si l’on y voit un sujet de terreur, la faute en est à la faiblesse des âmes. C’est ce que montrent les prières de saint Paul et ses transports de joie, lorsqu’il dit, par exemple : « Partir et être avec le Christ, c’est bien préférable », et encore : « Je me réjouis, je partage votre joie à tous, de même, vous aussi, réjouissez-vous, partagez ma joie. » Mais le contraire l’afflige : « Nous gémissons en nous-mêmes », dit-il, « attendant l’adoption, la délivrance de notre corps. » Et ailleurs : « Nous qui sommes dans cet abri, nous gémissons affligés. »
3. Voyez-vous combien c’est une belle chose que la sagesse ? Ce qui paraît aux autres mériter des larmes, lui semble valoir des prières : ce qui paraît aux autres sujet de joie et de contentement, il n’y trouve que des raisons de gémir. N’est-ce pas, en effet, un digne sujet de lamentations, que d’être exilé, expatrié ? N’est-ce pas un bonheur que de se réfugier promptement dans le port de tranquillité, et d’être admis dans la cité céleste, affranchi enfin des douleurs, des peines, des gémissements ? Mais, direz-vous, en quoi cela regarde-t-il un pécheur