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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/182

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Psalmiste demande sans cesse à Dieu, avec instance, d’être délivré de tels ennemis. Que s’il faut fuir les gens fourbes et dissimulés, à plus forte raison les trompeurs, et ceux qui répandent des doctrines perverses. Les lèvres les plus dangereuses sont celles qui attaquent la vertu et qui portent au mal. C’est pourquoi le Prophète demande que son âme en soit délivrée. C’est vers ce point qu’il dirige tous ses traits : – « Que recevrez-vous et quel fruit vous reviendra-t-il, ô langue trompeuse ? » Une autre version porte : « Que vous produira, que vous rapportera la langue trompeuse ? » Et une troisième : « Que vous donnera, que vous rapportera la langue selon l’imposture ? » Expressions qui tendent toutes à montrer qu’il s’agit d’une grande malice et d’une espèce de vice horrible. C’est pourquoi vous voyez le Prophète irrité, ému, s’écrier : « Que recevrez-vous et quel fruit vous reviendra-t-il, ô langue trompeuse ? » Ce qui revient à ceci quel supplice sera digne d’un tel crime ! Ce qu’Isaïe voulait dire aux Juifs par ces paroles « A quoi servirait de vous frapper de nouveau, vous qui ajoutez péché sur péché (Is. 1,5) », le Psalmiste le dit par celle-ci : « Que retirerez-vous et quel fruit vous reviendra-t-il, ô langue trompeuse ? » C’est comme s’il disait le méchant trouve son châtiment dans sa propre faute, et il devance le jugement de Dieu pour se punir puisque de lui-même il engendre le vice. car il n’y a pas de plus grand supplice pour l’âme que d’être livrée au vice, même avant qu’il sort puni. Quel châtiment donc pour un tel crime ? Il n’y en a point ici-bas ; Dieu seul pourra le trouver, l’homme n’y parviendrait pas, car c’est une malice qui surpasse tout châtiment. Mais Dieu se charge de la vengeance, et c’est ce que veut faire entendre le Prophète quand il ajoute aussitôt : – « Vous avez été percé avec des flèches très-pointues poussées par une main puissante, et vous serez brûlé avec des charbons dévorants (4). »
Le Psalmiste compare ici à des flèches les supplices dont il s’agit. Une autre version porte : « Les flèches de l’homme puissant qui me poursuit sont aigres, elles sont brûlantes comme des charbons accumulés. » Ou bien encore : « Comme des charbons de genévrier ; » expressions métaphoriques et variées qui augmentent en nous la crainte du supplice. Car ces mots : « charbons accumulés, charbons de genévrier » ont le même sens. Dans le premier cas on veut faire ressortir le nombre des peines, dans le second, leur intensité. C’est ce qu’ont voulu nous faire entendre les Septante quand ils ont traduit par « charbons dévorants », c’est-à-dire, dévastateurs, destructeurs, ruineurs. Les saintes Lettres, pour nous donner une idée de la vengeance de Dieu, la comparent à des choses que nous regardons comme terribles et elles nous la représentent comme des flèches ou comme du feu. Il me semble aussi qu’il y a dans ces mots une allusion aux barbares, et c’est dans ce sens qu’un autre interprète a dit : « Délivrez mon âme de la lèvre menteuse. » Car telles sont leurs paroles, telles leurs ruses et leurs embûches. Tout en eux respire la fraude et les plus grands crimes. – « Que je suis malheureux de ce que mon exil est si long ! J’ai demeuré avec les habitants de Cédar (5). » On lit dans une autre leçon : « Que je suis malheureux d’avoir prolongé mon exil ! » Et dans une troisième : « Que je suis malheureux d’avoir été si longtemps dans la terre étrangère ! »
Ce sont des lamentations au sujet de la captivité de Babylone. Saint Paul parlant de l’exil de cette vie qui se prolonge trop longtemps s’écrie : « Pendant que nous sommes dans le corps comme dans une tente, nous gémissons sous le poids de notre condition mortelle (2Cor. 5,4) ; » et encore : « Et non seulement les créatures soupirent, mais nous qui avons reçu les prémices de l’Esprit nous gémissons nous-mêmes. » (Rom. 8,23) C’est que la vie présente est un exil. Que dis-je, un exil ? C’est quelque chose de pire. Et Notre-Seigneur lui-même l’a appelée un passage quand il a dit : « La porte de la vie est petite et la voie qui y mène est étroite. » (Mt. 7,14) Aussi la meilleure, et par conséquent la première science pour nous, c’est de savoir que nous ne sommes dans ce monde que des voyageurs. Les anciens patriarches n’avaient pas d’autre doctrine et saint Paul les en loue hautement, comme on peut le voir dans ses Épîtres : « Pour cette cause Dieu ne rougit point d’être appelé leur Dieu. » (Héb. 11,16) Pour quelle cause, je vous le demande ? Parce qu’ils confessèrent qu’ils étaient étrangers et voyageurs. (Héb. 11,13) Car c’est là le principe et le fondement de toute vertu, parce que celui qui est étranger au milieu de ce