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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/184

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gardait un esprit de paix avec ceux qui haïssaient la paix. Que devons-nous donc faire pour n’être pas en défaut sur ce point ? C’est de demeurer sur cette terre comme des étrangers – car j’en reviens toujours à mon premier raisonnement, – comme des voyageurs qui ne se laissent arrêter par aucune des choses présentes. Il n’y a rien, en effet, contre quoi nous devions lutter et combattre autant que contre l’amour des choses présentes et le désir de la gloire, de l’argent et des délices. Mais quand nous aurons coupé tous ces liens et que notre âme ne sera plus retenue par aucun, nous verrons où était le principe de la lutte et sur quoi doivent reposer les bases de la vertu. Ainsi encore, le Christ veut que nous soyons « comme des brebis au milieu des loups (Mt. 10,16) », afin que nous ne disions pas J’ai tant souffert que je suis devenu violent. – Car, nous répond-il, quand vous auriez souffert mille maux, gardez la douceur de la brebis et vous triompherez des loups. Cet homme est méchant et vif, mais vous disposez de forces si considérables que vous êtes au-dessus de tous les méchants. Quoi de plus doux que la brebis, de plus sauvage que le loup ? Elle triomphera de lui cependant, comme on l’a vu par tes martyrs. C’est qu’il n’y a rien de plus puissant que la mansuétude, rien de plus fort que la douceur. Aussi le Christ nous ordonne-t-il d’être comme des agneaux au milieu des loups. Puis, après avoir parlé de la sorte, comme si celle douceur ne suffisait pas à qui veut paraître son disciple, il ajoute autre chose encore : « Soyez », nous dit-il, « simples comme des colombes (Mt. 10,16) », réunissant ainsi la mansuétude des deux animaux doux et simples par excellence. Tant est grande la vertu qu’il exige de nous quand nous sommes avec des gens sauvages ! Et ne me dites pas : Cet homme est méchant, je ne puis le souffrir. Car c’est surtout avec des personnes grossières et inhumaines qu’il faut faire preuve de douceur. C’est alors qu’éclate la vertu, c’est alors que son utilité, son heureux succès, ses fruits brillent à tous les yeux.
« Dès que je leur parlais ils s’élevaient contre moi. » Un autre interprète dit. « Et quand je leur parlais, ils combattaient. » Ce qui signifie : « J’étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix ; » ou bien : Quand je leur parlais ils combattaient contre moi. Expressions qui reviennent toutes à ceci : Au moment même où je parlais à mes ennemis, alors surtout que je montrais ma charité en proférant les paroles les plus affectueuses, ils s’emportaient, ils me dressaient des embûches et rien ne les arrêtait. Néanmoins, je faisais paraître ma vertu, sans avoir égard à leurs mauvaises dispositions.
Ainsi doit-il en être de nous. Quoiqu’on réponde à notre amour en nous frappant, en nous blessant, en nous tendant des pièges, ne cessons point de nous montrer plein de bonté, nous souvenant de la parabole qui nous ordonne d’être comme des agneaux et des colombes au milieu des loups. En agissant ainsi nous rendrons nos ennemis meilleurs et nous mériterons les biens célestes. Puissions-nous tous les posséder un jour, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.