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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/196

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désordre, entraînant avec une grande force et une grande violence tout ce qu’elle rencontre. Il ne s’agit pas seulement ici de l’invasion des maux, mais de leur peu de durée.
2. Ne nous décourageons donc pas quand le malheur fond sur nous. Ce n’est qu’un torrent qui se précipite, une nuée qui passe. S’agit-il de quelque chose de fâcheux ? cela aura une fin ; de quelque chose de difficile ? cela ne durera pas toujours. S’il en était autrement, la nature n’y suffirait pas. Mais, direz-vous, un grand nombre sont entraînés par le torrent. Sans doute. Mais la cause en est moins clans sa violence que dans la lâcheté de ceux qui se laissent abattre trop facilement. Afin donc que le torrent ne nous entraîne pas et que nous puissions marcher d’un pas ferme jusque dans ses plus grandes profondeurs, sondons-le et saisissons l’ancre divine, pour n’avoir plus à redouter aucun naufrage. Un torrent n’est terrible que pour un temps, bientôt après il s’apaise d’une manière étonnante : « Les eaux nous auraient submergés. » Selon une autre version : « Alors les eaux nous auraient inondés en passant sur notre âme comme un torrent, et notre âme eût trouvé cette inondation insurmontable ; » ou bien : « Alors les superbes auraient passé sur notre âme comme un torrent. » Admirons la grandeur du secours de Dieu et comment, au milieu de tant de maux, il ne permet pas que ses enfants soient submergés. En effet, s’il laisse augmenter les maux, ce n’est pas pour nous accabler, mais pour nous éprouver davantage et faire éclater sa puissance. Les superbes, dont il est ici question, sont les ennemis qui, tout en se précipitant sur les Juifs avec plus de violence qu’un torrent quelconque ou qu’une inondation insurmontable, ne leur ont fait aucun mal. La cause en est dans la protection de Dieu, dans son assistance divine et son secours invincible. Aussi, après avoir dit qu’il a été délivré des maux, il nomme son libérateur et il le comble de louanges. « Béni soit le Seigneur qui ne nous a pas laissés en proie à leurs dents ! Car notre âme a été arrachée de leurs mains comme un passereau du filet des chasseurs. »
Quel contraste entre la faiblesse des Juifs et la puissance de leurs ennemis. Ces derniers se précipitaient semblables à des bêtes féroces et à des lions prêts à se nourrir de leur chair, pleins de force et de colère ; eux, au contraire étaient plus faibles que le passereau. Mais les miracles de la puissance divine n’apparaissent jamais mieux que quand la faiblesse triomphe de la force insurmontable. Et puis, ce qui rendait ces embûches intolérables, ce n’était pas seulement la puissance redoutable des uns, leur colère, et leur soif de carnage, et fa faiblesse des, autres, leur petit nombre et leur peu de défense : mais, de plus, ces derniers étaient environnés de maux, comme enveloppés par les difficultés, et ayant de toutes parts des guerres à soutenir. Cependant, Celui qui est la puissance par excellence, dit le Psalmiste, et qui peut toujours sauver, quels que soient les maux et les périls dont on est environné, nous a délivrés avec une grande facilité. Tel est le sens de ces paroles : « Notre âme a été arrachée de leurs mains comme un passereau du filet des chasseurs. » – « Le filet a été rompu et nous avons été délivrés (7). » Mais comment cela s’est-il fait ? C’est ce qu’indiquent les paroles suivantes : « Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre (8). » Comme il est fort, comme il est puissant, Celui qui est venu à leur secours ! Il a même fait disparaître ce qui servait à dresser des embûches. Tout ce qui précède peut être pris dans le sens anagogique et doit s’entendre du diable et du genre humain. Nous y voyons comment le Seigneur a renversé et détruit les pièges de Satan depuis le jour où il a dit à ses disciples : « Foulez aux pieds les serpents et les scorpions et toute la puissance de l’ennemi de votre salut. » (Lc. 9,19) Il ne s’agit plus d’une guerre ouverte, la partie n’est pas égale, notre ennemi est renversé par terre et abattu, tandis que nous sommes debout, le dominant et le frappant de haut. Il est sans force, tandis que nous sommes pleins de vigueur. Comment se fait-il alors qu’il triomphe si souvent ? C’est l’effet de notre lâcheté et de la paresse de ceux qui dorment ; si vous vouliez résister il n’oserait pas vous attaquer de front. S’il triomphe de ceux qui s’endorment, ce n’est point à cause de sa puissance, mais de notre négligence. Qui ne triompherait d’un homme endormi, fût-on le plus faible de tous ? Le fort est enchaîné, tous ses filets sont rompus, sa puissance brisée, sa demeure renversée, ses armes sans effet. Que faut-il de plus ? Pouvez-vous encore le craindre ? Pourquoi trembler ? On nous ordonne de fouler aux pieds celui qui est déjà terrassé.