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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/195

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Ils s’étaient vus sans armes, dépouillés de tout, captifs et esclaves ; récemment délivrés de leurs maux, ils avaient une ville qui n’était pas environnée de murailles, ce n’était pas même une ville, et ainsi après leur retour ils étaient comme une proie sans défense. Mais Dieu leur servit de rempart et de citadelle. Disons, nous aussi, en ce moment. « Si le Seigneur n’avait été avec nous… nos ennemis auraient pu nous dévorer tout vivants. Que n’aurait pas fait, en effet, le diable, notre ennemi, si le Seigneur n’eût été pour nous ? Écoutez ces paroles du Sauveur à Pierre : « Simon, Simon, Satan a demandé souvent à vous cribler, comme on crible le froment, mais j’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point. » (Lc. 22,31) C’est une bête méchante et insatiable, et si elle n’était continuellement réprimée, elle sèmerait partout le désordre et la destruction. Dieu ne lui lâcha qu’un instant la bride contre le saint homme Job. et il renversa sa maison de fond en comble, disloqua son corps et fit comme une affreuse tragédie, en détruisant ses richesses, en tuant ses enfants, en faisant sortir de sa chair des vers en abondance, en soulevant contre lui sa femme, ses amis, ses ennemis, jusqu’à ses serviteurs qui l’accablaient de leurs reproches. Il nous anéantirait nous-mêmes si le Seigneur ne le retenait par mille moyens. C’est pourquoi le Psalmiste s’écrie : « Si le Seigneur n’avait été avec nous. » Les Juifs étaient en petit nombre et méprisés, et à peine de retour ils avaient à supporter de nombreuses attaques. Or, la sagesse de Dieu se montrait encore, en ce qu’il ne leur donnait pas la sécurité subitement et d’un seul coup, ruais à la longue et par degrés, afin de les maintenir dans la connaissance de son saint nom, et de ne pas laisser passer sans fruit la leçon qu’ils avaient reçue dans leur captivité. Comme la délivrance des maux a pour effet de rendre les hommes plus négligents, le Seigneur, tout en leur accordant les biens, permet qu’ils soient constamment tentés, afin qu’ils trouvent, dans les épreuves, un exercice continuel de la sagesse. Cependant, il ne les laisse pas toujours dans l’affliction, car ils succomberaient ; ni dans le repos et la prospérité, pour les préserver du relâchement ; mais il les sauve en les faisant passer par des vicissitudes sans fin.
« Ils auraient pu nous dévorer tout vivants. » Quelle cruauté dans leurs ennemis ! Ce sont des hommes qui montrent une férocité égale à celle des bêtes sauvages. Que dis-je ? Elle la surpasse même puisqu’elle s’exerce centre leurs semblables. Après son premier choc, l’animal se calme et se retire ; repoussé, il ne revient pas à la charge ; mais quand les hommes ont échoué dans leurs projets pervers, ils attaquent de nouveau, et ils se montrent avides de sang. Telle est la colère insensée, tels sont l’ardeur et le feu que cette passion allume dans l’âme. Comment guérir cette maladie ? Songeons à ce que nous sommes, réfléchissons à la mort et à ceux qui nous quittent tous les jours, méditons sur notre nature ; nous ne sommes que cendre et poussière. Si la beauté de votre visage vous fait encore illusion, allez visiter les tombeaux et les cercueils de vos pères, contemplez-les dans leur repos, et en voyant cette poignée de terre, vous trouverez une grande occasion de vous abaisser. Ne trouvez pas ce langage trop sévère. De même que ceux qui out eu la fièvre ont besoin d’un air pur après leur guérison, ainsi ceux que les passions poussent à la folie, trouveront dans les tombeaux, comme dans une demeure très-salutaire, un remède à de nombreuses maladies. La vue seule d’une urne suffit, en effet, pour abaisser les plus arrogants. Transportez-vous ensuite, par la pensée, à ce jour terrible du jugement dernier, où personne ne prendra votre défense ; songez aux questions qui vous seront adressées, au compte que vous aurez à rendre, à ces supplices où il n’y a plus de soulagement à espérer, Ces réflexions seront comme un charme qui calmera vos passions. Voyez aussi, parmi les hommes, ceux qui, dans la vie présente, ont passé de la richesse à la pauvreté, de la gloire à l’ignominie, et si vous éprouvez encore de la colère, que ce ne soit pas contre votre semblable, mais contre l’esprit du mal. Voilà de quoi vous fâcher. Ne vous réconciliez jamais avec lui, tournez et épuisez contre lui toute votre fureur, c’est contre lui qu’il faut diriger vos coups et lui faire une guerre acharnée. « Lorsque leur fureur s’est irritée contre nous, sans doute alors les eaux nous auraient submergés (4), un torrent aurait été amené sur notre âme. Assurément notre âme eût trouvé cette inondation insupportable. » L’eau et le torrent marquent ici la grande colère des ennemis des Juifs. L’eau, en effet, se précipite en