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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/233

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paroles : « Leur chute est devenue le salut des gentils, jaloux de les remplacer. » (Rom. 11,11) Comme un père, quand ses enfants s’éloignent de lui, en prend un qu’il fait asseoir sur ses genoux, ce qu’il ne fait pas seulement par amour pour ce fils, mais bien plutôt pour que ses autres enfants se piquent d’émulation à cette vue, s’empressent de revenir, afin de recevoir la même preuve de bonté ; ainsi Dieu a fait à l’égard des Juifs ; il ne les a pas pris sur ses genoux, mais dans ses bras, comme dit le Prophète ; « et il les a mis sur son dos. » (Os. 11,3) Il leur prodigue les faveurs qu’ils enviaient, le temple, les sacrifices, et, ce qu’ils désiraient plus ardemment encore, les secours dans les combats, les victoires, les trophées, l’abondance qui vient de la terre, la fertilité des fruits ; et par là, en même temps qu’il les enrichit, il porte les autres peuples à rivaliser avec eux. Mais comme les Juifs se seraient corrompus s’il n’eût eu pour eux que des caresses, il leur fait sentir aussi le frein des châtiments. C’est que la sagesse de Dieu est grande, et, de ce qui semble impossible, il fait sortir les moyens qui rendent tout facile.
4. Considérez maintenant la sagesse du Prophète ; il débute par des œuvres d’un caractère général, avant d’en venir à des faits particuliers, afin que nul insensé ne s’imagine que ce soit d’un Dieu particulier à un peuple qu’il parle. Voilà pourquoi il commence par le général, avant de toucher les détails, avant de dire : « Il a frappé les premiers-nés de l’Égypte. » Ne vous semble-t-il pas que cette rigueur avait surtout pour but l’intérêt des Juifs ? Eh bien ! si je vous montre que Dieu, en frappant ce coup, pensait aussi aux autres peuples ; que diront ceux qui prétendent que la providence de Dieu ne s’occupe pas de l’univers ? Comment le prouverons-nous ? Il suffit certes de la pensée que Dieu exprime d’une manière si manifeste par ces paroles : « Car je vous ai établis pour faire éclater en vous ma toute-puissance, et pour rendre mon nom célèbre dans toute la terre. » (Ex. 9,16 ; Rom. 9,17) Comprenez-vous que c’était une prédication que cette mort des premiers-nés de l’Égypte ? que cette plaie, venue de la main de Dieu, c’était une parole destinée à publier partout sa puissance ? Cette providence se préoccupe donc de tout l’univers alors même qu’elle sert les intérêts des Juifs. Quant à sa puissance, Dieu l’avait fait connaître assez dans les temps anciens, par exemple, par Joseph et par Abraham ; en cette circonstance pourtant, il la déclara d’une manière plus manifeste. Comment ? C’était alors par des bienfaits ; mais, dans le second cas, ce fut par une plaie terrible. Et il ne cesse pas, comme je l’ai souvent dit, de se montrer à chaque génération, de se manifester par ses œuvres ; il ne le fait pas toujours de la même manière ; ses moyens sont variés et différents. Tantôt, c’est l’épouse d’Abraham qu’il frappe de stérilité ; tantôt c’est la famine ou l’abondance qu’il envoie ; après, ce sont des plaies infligées coup sur coup. Comme ces Égyptiens accusaient Dieu d’impuissance, ils causèrent ainsi eux-mêmes la mort de leurs premiers-nés, et changèrent en sang les eaux de leur fleuve. A la même époque, Dieu leur donna encore d’autres marques, mais moins éclatantes de sa puissance. Ainsi les sages-femmes des Égyptiens, qui avaient méprisé des ordres cruels, éludé un monstrueux décret du roi, jouirent d’une grande abondance de bien. C’était un double effet de la providence de Dieu d’abord, que des femmes eussent montré plus de vertu que ceux qui portaient au front le diadème, et ensuite que leur vertu eût été récompensée, et que leurs familles se fussent accrues extrêmement. Ces paroles, en effet, « Dieu fit du bien aux sages femmes (Ex. 1,20) », signifient que leur parenté s’étendit ; c’est que, pour les bienfaits que les Juifs reçurent d’elles, ces femmes avaient mérité la récompense du Seigneur, parce qu’elles ne tuaient pas les enfants des Juifs. Dieu accorda à ces Égyptiennes une nombreuse postérité.
Mais comme les Égyptiens persistaient dans leur endurcissement, Dieu les frappa d’une plaie encore plus terrible, qui fut un enseignement pour la terre, un enseignement pour les Égyptiens ; les autres peuples apprirent par la renommée ce que les Égyptiens connurent par leurs propres souffrances, par la vue et par l’expérience, et torts purent savoir quelle est la puissance de Dieu ; et c’est pour cette raison que le fléau leur avait été prédit. Dieu ne voulait pas que la plaie parût un effet du hasard, un de ces coups que la mort frappe d’elle-même. Aussi pouvons-nous appliquer dans cette circonstance une parole prononcée ailleurs au sujet du Sauveur. Quelle est cette parole ? « Dominez au milieu de vos ennemis. » (Ps. 109,2) Dieu en effet ne les fit pas sortir