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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/235

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au milieu de toi, Égypte ; » et c’est avec une grande sagesse ; car il s’agissait de corriger les hommes, et de parler aux yeux de ceux qui profiteraient de ces enseignements. Car ces prodiges n’arrivaient pas au hasard ; c’était l’effet d’une conduite admirable ; et comme ces merveilles étaient de grands coups, et que ces coups frappaient d’une manière admirable, ils avaient une double utilité. « Contre Pharaon et contre tous ses serviteurs. » Voyez-vous l’ineffable puissance ? Comprenez-vous bien ? Comme ils étaient tous ensemble, le châtiment les a visités tous ensemble, de manière que les uns en souffraient, que les autres y trouvaient leur profit. Mais maintenant, que veulent dire ces paroles : « Contre tous ses serviteurs ? » Assurément ils n’avaient pas tous des premiers-nés ; mais le Psalmiste parle des autres signes ; et, en Égypte, pendant que les Égyptiens étaient frappés, les Israélites profitaient de la leçon. Dans le désert, pendant que les Juifs recevaient les bienfaits de Dieu, les autres en profitaient également. Dieu envoya des plaies aux ennemis des Juifs ; il combla les Juifs dé bienfaits ; et, soit plaies, soit bienfaits, tous y trouvèrent leur utilité. Mais pourquoi ne pas combler de bienfaits les Égyptiens aussi ? c’est que d’ordinaire les hommes frappés par Dieu apprennent mieux à le connaître que ceux qui reçoivent ses bienfaits. Quant à ce qui prouve que Dieu ne voulait pas les punir, voyez-le différant toujours, retenant les coups, manifestant, par les maux qu’il envoie, comme par les biens, son pouvoir et sa clémence. Certes, après la première, la seconde, la troisième plaie, Dieu pouvait les considérer comme atteints d’une maladie incurable et les perdre lotis ; mais Dieu ne le voulut pas, et, quoiqu’il connût l’avenir, qu’il sût bien que ni la cinquième, ni la sixième, ni la dixième plaie ne les rendraient meilleurs, il ne s’arrêta pas dans la marche qui lui convenait. De là, pour nous, les plus fortes raisons d’admirer sa puissance, sa sollicitude, sa sagesse et sa bonté : sa puissance, parce qu’il a frappé ; sa sollicitude, parce qu’il s’est retenu ; sa sagesse, parce que, connaissant l’avenir, il a néanmoins suivi sa marche. Et maintenant ce qui prouve surtout sa clémence, c’est qu’il frappa, d’abord les êtres moins considérables, ceux qui ne sont pas doués de raison. Puis, allant progressivement, il atteignit le roi lui-même ; ce qui était le meilleur moyen de donner du retentissement au fléau. En effet, les manieurs d’un particulier sont obscurs, mais quand un homme illustre est frappé, la nouvelle aussitôt s’en répand partout.
Après les raisons qui décident le châtiment, le Psalmiste indique les plaies. Mais il ne les passe pas en revue, il ne les détaille pas, un seul mot lui suffit et il passe outre en disant : « Il a fait éclater des signes et des prodiges au milieu de toi, Égypte. » Ensuite, il fait sortir de l’Égypte le peuple de Dieu, pour le conduire dans le désert, montrant partout que Dieu n’est pas seulement le Dieu de quelques hommes, que son empire ne se borne pas à une seule contrée, que sa domination embrasse l’univers. Voilà pourquoi il ajoute : « Il a frappé plusieurs nations, il a tué des rois puissants (10). » Dans tout ce voyage, lieu donne des preuves variées de sa puissance, se servant de faits sensibles pour instruire les peuples. En effet, leurs guerres et leurs victoires miraculeuses les éclairaient sur la nature des événements arrivés antérieurement en Égypte et leur faisaient comprendre qu’il fallait les attribuer, non pas à l’air ni aux autres éléments, ni à aucune autre casse naturelle, mais à la main divine qui les guidait et combattait pour eux dans les batailles. En sorte que ces deux groupes de faits se renvoyaient une mutuelle clarté, ceux de l’Égypte aidaient à comprendre ceux du désert et réciproquement. En, effet, lorsque sans amies, sans bataille rangée, les Israélites mettaient en déroute leurs ennemis, il devenait évident pour eux que si, en Égypte, Dieu s’était servi des éléments, ce n’était pas qu’il en eût besoin, mais qu’il voulait manifester différemment et diversement sa puissance. « Séon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan (11). » Le Psalmiste ne passe pas en revue les villes, il n’insiste pas sur les détails, il ne raconte pas les batailles une à une ; mais ici encore, son grand esprit franchit d’un bond d’innombrables prodiges : il pouvait s’arrêter, amplifier ce riche et tragique sujet, il n’en fait rien ; à travers cette incomparable abondance, cette richesse des œuvres de Dieu, il s’élance et poursuit sa route. Or ces peuples étaient armés, ils habitaient des villes fortifiées, ils connaissaient la guerre, l’art de disposer les armées ; les Israélites étaient des exilés, ignorant les batailles, respirant à peine d’une longue servitude, d’une tyrannie interminable, consumés par la faire et par les malheurs