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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/242

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chaque occasion, à toutes les époques, elle a déployé les marques visibles d’un ineffable amour. Aussi dans l’admiration dont le frappe cette affection infatigable, le Psalmiste ne se lasse pas de répéter : « Parce que sa miséricorde est éternelle. » Et c’est avec raison qu’il ajoute : « Et il a fait passer Israël par le milieu de cette mer », car voilà bien une preuve de la puissance de Dieu. En effet, il ne lui suffit pas de faire rebrousser la mer, de ménager à son peuple un facile passage. Ce fait, s’il n’y eut eu que ce fait, aurait frappé les Israélites de stupeur et d’épouvante, ils n’auraient pas osé s’avancer, ce prodige les eût glacés de terreur. Mais il appartenait à la puissance de Dieu, quand la mer se retirait ainsi, d’inspirer aux Israélites l’audace, la résolution nécessaire pour entreprendre cette route nouvelle, étrange. A voir, en effet, à droite, à gauche, les vagues ainsi coupées, s’élevant comme des montagnes, toutes droites, il fallait une âme élevée, généreuse, pour se risquer sans crainte, sans inquiétude, au milieu de cette mer qui pouvait retomber d’une si grande hauteur, des deux côtés, les renverser, submerger dans ses abîmes le peuple tout entier. « Et il a renversé Pharaon avec toutes ses forces dans la mer Rouge (15). » C’est pour marquer la facilité de l’engloutissement, que le Psalmiste a employé ces expressions. Quant à vous, considérez non seulement la puissance et la colère que Dieu a fait éclater ici, mais la patience aussi qu’il a montrée. Il ne les a pas exterminés tout d’abord, malgré leur impudence et leur obstination, portées à un tel point qu’ils se sont eux-mêmes, de gaieté de cœur, précipités dans cet abîme. Ce n’est pas sans raison non plus que l’armée aussi est châtiée, tous avaient pris part au péché, tous avaient été également des persécuteurs, ils reçoivent également leur part du supplice et du châtiment. « Il a fait passer son peuple parle désert, parce que sa miséricorde est éternelle (16). » Prodige non moins étonnant que la traversée au milieu de la mer. Sans doute, ils sentaient sous leurs pieds la terre sèche, qui pouvait les supporter ; toutefois ils souffraient des incommodités sans nombre et dont chacune suffisait pour les détruire, pour les livrer à la mort la plus cruelle ; la faim, le manque d’eau, la soif, des rayons dévorants, la multitude des bêtes féroces, le manque absolu du nécessaire. Vous savez tout ce qu’il faut à l’homme pour vivre. Eh bien ! quoique dépourvus de tout, sans abri, sans aliments, sans vêtements suffisants, sans chaussures, sans rien de tout ce que l’on a d’ordinaire, ils pouvaient se croire au milieu des cités, ces voyageurs errant dans la solitude. Et maintenant, considérez tout ce que le Psalmiste a passé de miracles, combien de merveilles arrivées dans le désert, combien d’années de ce gouvernement prodigieux. Il ne rappelle que deux miracles relatifs aux rois qu’ils rencontrèrent. Le Psalmiste ne parle pas de cette table d’un genre si nouveau, de ce pavillon surprenant, de cette lampe qui n’avait jamais paru auparavant, de ces vêtements toujours neufs, de ces chaussures qui ne s’usaient pas, des sources jaillissant des rochers, de tous ces prodiges étonnants, incroyables, qui rendirent facile un tel voyage. Il ne rappelle que deux miracles, comment Dieu extermina les rois barbares, comment il érigea, en faveur de son peuple, le trophée d’une grande victoire, tout le reste, le Psalmiste se remet sur l’auditeur du soin de le recueillir ; le texte dit : « Il a frappé des rois puissants, il a fait mourir de grands rois (18), Séhon, roi des. Amorrhéens (19), et Og, roi de Basan (20) », et, à chaque verset il ajoute : « Parce que sa miséricorde est éternelle », montrant par là que les ennemis avaient beau se succéder, aucun d’eux pourtant ne put vaincre les Israélites. Pourquoi ? C’est que la bonté de Dieu ne se lassait pas de les protéger. C’est là ce que signifie cette perpétuelle répétition : « Parce que sa miséricorde « est éternelle. Et il a donné leur terre en héritage ; en héritage à Israël son serviteur (22). » Double bienfait, les ennemis sont vaincus et leurs biens deviennent la possession des Israélites. C’était là en effet la marque d’un grand pouvoir, non seulement de chasser les habitants d’un pays, mais encore d’avoir la force de s’emparer de leurs terres et de conserver un pays étranger.
Et ensuite, le Psalmiste tient à expliquer, que ce n’est pas à leurs propres mérites, mais à la bonté de Dieu, que les Israélites doivent tant d’avantages, et il ajoute : « Parce que le Seigneur s’est souvenu de nous dans notre « abaissement (23). » Signifiant par là que nous ne devons rien attribuer à nos vertus, à un bonheur qui nous serait personnel, que nous devons tout à l’abaissement même où nous