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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/262

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de Babylone. « Ils ne pourront subsister dans les malheurs ; » un autre texte : « Ils tomberont dans les fosses pour n’en pas sortir ;» autre texte : « Promptement, et ils n’en sortiront pas. » La pensée d’un des textes est celle-ci : vous les perdrez de telle sorte qu’ils ne se relèveront pas, l’autre interprète dit : avec une grande rapidité, car c’est là ce que signifie l’expression dont il s’est servi. « L’homme de langue ne sera pas dirigé sur la terre (11). »
Après avoir parlé de la colère de Dieu, le Psalmiste montre encore que le vice tout seul est suffisant pour perdre ceux qui en sont atteints. Ce n’est pas une faible preuve de la perversité, que l’insolence et le débordement de la langue. L’homme qui se laisse emporter par sa langue, c’est ici l’homme pétulant, le diseur de riens, le médisant, qui sans cesse aboie, qui n’a rien pour le mettre au-dessus du chien. Dites-moi le fruit qu’on retire d’une pareille disposition. « Il ne sera pas dirigé », dit le texte, « sur la terre. » Autre texte : « Il ne s’établira point », c’est-à-dire, il sera renversé, terrassé, anéanti. Voilà le fruit de la médisance. Ennemi pour tous, importun pour tous, à charge pour tous, voilà le médisant. De même que l’homme patient, doux, ami du silence, est solidement établi, et se rend agréable à tous, de même le médisant mène une vie incertaine, assiégé partout de mille ennemis, et surtout, il porte dans son âme un trouble qui ne lui permet pas de goûter le repos. Et même quand nul ne l’inquiète, mille combats, qui confondent son âme, s’élèvent au fond de son cœur. « L’homme injuste sera la proie des maux jusqu’à ce qu’il meure. » C’est ainsi que parle encore un autre sage[1]. « Les iniquités donnent la chasse à l’homme méchant. » Voyez-vous encore la preuve que le vice tout seul suffit pour perdre celui qui le porte dans son cœur ? Mais pourquoi ici cette allusion à la chasse ? C’est pour vous faire comprendre les suites inévitables de la perversité ; c’est afin que, si vous n’êtes pas frappé aussitôt que l’injustice est commise, vous ne vous laissiez pas, pour cela, enivrer d’une heureuse confiance. Voici, en effet, ce qui se passe à la chasse : le chasseur n’atteint pas toujours, ni tout de suite. Cependant, même quand les bêtes qu’on poursuit, ne sont pas prises, elles ne sont pas en sûreté, pour n’être pas encore embarrassées dans les filets. Eh bien ! il faut pareillement que l’injuste ne se laisse pas aller à la confiance, pour n’être pas encore pris ; tôt ou tard il sera pris. Si vous aimez votre sûreté, renoncez au vice, et vous jouirez d’une pleine sécurité. Mais maintenant, pourquoi dit-il : « Jusqu’à ce qu’il meure ? » C’est parce qu’il y en a beaucoup qui sont pris, pour être sauvés, comme ceux qui sont pris par les apôtres et par les saints ; mais il n’en est pas de même des méchants ; le vice qui leur donne la chasse, les prend pour les perdre, et les exterminer. Et pourquoi le châtiment ne frappe-t-il pas tout de suite le pervers ? C’est un effet de la clémence du Seigneur ; s’il envoyait tout de suite chacun des pécheurs au supplice, la plus grande partie du genre humain aurait déjà disparu. « J’ai connu que le Seigneur fera justice à celui qui est affligé, et qu’il vengera les pauvres ; mais les justes loueront « votre nom, et ceux qui ont le cœur droit, « habiteront avec votre visage (13). » Un autre texte : « Auprès de votre visage. » Au lieu de, « Habiteront », un autre texte dit : « Demeureront ; » un autre encore : « Seront assis ; » et au lieu de, « J’ai connu, je sais. ». Après avoir dit : « Donneront la chasse », et, « Périront ; » après avoir montré que le supplice ne vient pas tout de suite, il ne veut pas que les esprits grossiers tombent dans le relâchement, et il ajoute : « J’ai connu », afin de bien montrer la certitude de cet avenir, et que les victimes de l’injustice trouveront certainement un vengeur. Quant aux pauvres, ce mot n’a pas ici son sens absolu ; il faut entendre, par là, ceux qui sont tout à fait humbles et contrits. Les paroles du Psalmiste sont une consolation pour ceux qui souffrent de l’injustice, et une correction, un avertissement pour ceux qui la commettent. Il ne faut pas que les uns, parce qu’ils attendent, désespèrent ; que les autres, parce que l’heure est différée, oublient de plus en plus le soin de leur âme. L’ajournement a pour but de provoquer le repentir ; quant à celui qui persévère, il s’attire un châtiment plus rigoureux, et c’est tout à fait justice. Pourquoi ? Parce que les pécheurs auront méconnu tant de bontés dont ils auront été l’objet, et ne seront pas devenus meilleurs. Considérez en effet la grandeur de la clémence de Dieu ! quand il permet que ses serviteurs endurent des mauvais traitements, s’il ne les

  1. Ou plutôt un autre interprète, car ce texte est de la version de Symmaque.