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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/264

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lèvres, des paroles, sans rechercher le sens renfermé dans ces paroles. Supposez qu’une eau pure et limpide s’offre à vos yeux. Vous ne pouvez pas vous empêcher d’aller tout, près, d’y tremper vos mains, de boire de cette eau ; dans une prairie chaque jour fréquentée on ne résiste pas au plaisir de cueillir quelques fleurs. Quant à vous, qui, depuis l’enfance jusqu’au dernier jour de votre vieillesse, ne faites que chanter ce psaume, vous en savez les mots, voilà tout. Il y a là un trésor caché, vous êtes assis à côté ; vous avez une bourse magnifique, vous la portez à droite et à gauche, mais toujours scellée et fermée, et il n’est personne parmi vous que la curiosité excite à rechercher ce que veut dire ce psaume. Ni recherches, ni examen. Et cependant, on ne peut pas dire que la clarté du psaume soit faite pour nous endormir, que le sens se présentant de lui-même il n’y a pas lieu de faire des recherches. L’obscurité d’un tel psaume à de quoi réveiller celui qui ne dort pas trop profondément, je me trompe, celui qui est tout à fait endormi. Car que dit-il ? « Ne penchez point mon cœur vers des discours de malice (4). » Et que signifie maintenant : « Le juste m’instruira avec miséricorde et me reprendra ? » Et ce qui suit, répondez-moi ; toutes les ténèbres ont-elles rien de plus ténébreux ? « Ma prière s’entendra encore au milieu des choses qui les flattent. Ils ont été absorbés contre la pierre, leurs juges (6). » En dépit d’une si épaisse obscurité, comme si c’était là un cantique ordinaire, le grand nombre passe, sans arrêter. Mais nous ne voulons pas insister sur ce reproche, qui vous serait à charge ; arrivons à ce que nous dit le psaume. Attention, je vous en prie, car ce n’est pas sans dessein, j’imagine, que les Pères ont décrété la lecture de ce psaume tous les soirs, et ce n’est pas parce que l’on y trouve « L’élévation de mes mains est comme le sacrifice du soir ; » car cette pensée se rencontre dans d’autres psaumes. Ainsi : « Le soir, le matin et à midi, je raconterai et j’annoncerai. » (Ps. 54,18) Et encore : « Le jour vous appartient, et la nuit est aussi à vous. » (Ps. 73,16) Et encore : « Les pleurs se répandent le soir, et la joie le matin. » (Ps. 29,6) Et il ne manque pas de psaumes qui conviennent au soir. Ce n’est donc pas pour cette raison que les Pères ont décidé la récitation de ce psaume ; mais ils l’ont regardé comme un remède salutaire, comme une expiation des péchés ; ils ont voulu que toutes les souillures que nous aurions contractées dans toute la durée du jour, soit sur la place publique, soit chez nous, soit ailleurs, en quelque lieu que ce fût, nous pussions les laver le soir, par ce cantique spirituel. C’est un remède qui fait disparaître tout cela. Tel est aussi le psaume du matin ; car rien n’empêche de le rappeler en peu de mots. Ce psaume ranime l’amour de Dieu, réveille notre âme, l’embrase d’un feu vif, la remplit de joie et de charité, et nous pouvons ensuite nous approcher de Dieu. Voyons-en les premières paroles, et ce qu’elles nous enseignent : « O Dieu, ô mon Dieu, je veille et j’aspire vers vous, dès que la lumière paraît ; mon âme a soif de vous. » (Ps. 62,1) Comprenez-vous l’amour brûlant qu’expriment ces paroles-? Or, où se trouve l’amour de Dieu, tous les vices disparaissent ; où se trouve le souvenir de Dieu, tous les péchés s’évanouissent, et la méchanceté est anéantie. « Je me suis présenté devant vous ainsi dans votre sanctuaire pour contempler votre puissance et votre gloire. » (Ps. 62,3) Qu’est-ce à dire, « Ainsi ? » avec ce désir, avec cet amour, afin de voir votre gloire qui, par toute la terre, est visible. Mais il ne faut pas abandonner ce que nous avons dans nos mains, pour prendre un autre psaume que nous rencontrons sur notre route. Donc nous nous contenterons de renvoyer l’auditeur à ce qui a été dit sur cet autre psaume ; attachons-nous à ce qui fait notre sujet aujourd’hui.
Que nous dit donc aujourd’hui le Psalmiste ? « Seigneur, j’ai crié vers vous, exaucez-moi. » Que dis-tu, je t’en prie ? C’est parce que tu as crié que tu veux qu’on t’exauce, et voilà le motif que tu donnes pour être exaucé ? Donc, ce qu’il faut, c’est une voix forte et qui s’entende au loin ; mais voilà qui n’est pas raisonnable ; car quel est le péché de celui qui a la voix faible, qui n’a pas de voix, qui a la langue pesante et embarrassée ? N’est-il pas vrai que Moïse n’avait pas un si bel organe et qu’il était écouté plus que tous les autres ? Est-ce que les Juifs ne poussaient pas, plus que tous les autres, de grands cris ? Dieu cependant n’écoutait pas leurs prières. Évidemment une voix forte ou une voix grêle, ce sont des avantages ou des infirmités naturels. Or, cela ne fait pas que nous soyons exaucés