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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/277

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de mes révélations n’exaltât mon orgueil, j’ai ressenti, dans ma chair, un aiguillon, qui est l’ange de Satan chargé de me souffleter. C’est pourquoi j’ai prié trois fois le Seigneur, et il m’a répondu : Ma grâce vous suffit ; car ma puissance se manifeste entièrement dans la faiblesse. Je prendrai donc plaisir dans les afflictions, dans les infirmités, dans les persécutions ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis puissant. » (2Cor. 12,7, 10) Voyez-vous comme l’affliction ne sert qu’à l’exciter davantage à chercher en Dieu son refuge ; comme il s’attache à Dieu avec plus de passion encore, quand il est au fond d’un abîme de maux ? C’est là ce que signifie cette parole : « Lorsque mon âme est toute prête à me quitter ; » voyez-vous comme l’affliction le rend plus diligent et meilleur ? Quant à ceci : « Et vous connaissez mes voies », un autre interprète dit : « Car, vous savez, dans la voie où je marchais, ils ont caché un piège ; je considérais à ma droite, et je regardais, et il n’y avait personne qui me connût (5). » Ces paroles nous montrent la grandeur de la calamité, les maux qui s’accroissent, les pièges des ennemis, leur première attaque, afin de le terrasser ; et, ce qui est, de tous les malheurs, le plus affligeant, non seulement aucun compagnon, aucun aide, mais pas une âme qui le connût.
2. La solitude était entière et l’abandon complet. On voit, en effet, peu d’hommes assister, porter secours au moment du malheur, surtout lorsque le malheur menace de grands dangers. Mais le juste n’a pas souffert de cet abandon ; au contraire, il y a trouvé une grande utilité ; il y a conquis la familiarité auprès de Dieu. Eh bien donc ! vous aussi, mon bien-aimé, quand vous voyez vos maux s’accroître, pas d’abattement, pas de désespoir ; devenez, au contraire, plus sage et plus vigilant. En effet, si Dieu permet ces épreuves, c’est pour secouer votre indolence, c’est pour vous tirer de votre lourd sommeil. Alors en effet disparaissent toutes les superfluités, alors expirent toutes les pensées de la vie présente, alors la prière devient plus ardente, alors l’aumône et la continence se pratiquent d’un esprit plus allègre, et il est facile de triompher de chacun de ces vices qu’à mis en déroute l’affliction. Ce n’est pas en effet, afin de nous punir, que Dieu, dès le principe, nous a suscité les embarras des épreuves, des chagrins, quoiqu’il ait dit que nous les devions regarder comme des châtiments, mais c’est surtout pour nous amender, pour nous rendre meilleurs. Et voyez donc ! sous la menace de la douleur, au milieu des épreuves et des fatigues de la vie, le vice s’accroît et grandit ; si vous supprimiez ces entraves, quels progrès ne ferait-il pas ? Et qu’y a-t-il d’étrange à ce que l’affliction soit un bien pour l’âme, lorsqu’elle en est un même pour le corps, lorsque l’excès des délices est funeste même à la chair ?
Les perfidies partout préparées rendent l’homme prudent et circonspect. Il nous suffit d’être attentifs, pour n’en recevoir aucun mal. De là ce que dit un sage : « Reconnaissez que vous passez au milieu des filets, et que vous vous promenez sur les toits des cités ; » de même, ici, le Psalmiste : « Dans la voie où je marchais, ils ont caché un piège. » Si l’on veut prendre ces paroles dans le sens anagogique, on verra qu’elles s’appliquent bien à la conduite du démon, qui ne cache pas au loin, mais tout près, les pièges qu’il nous tend.
C’est pourquoi nous avons besoin d’une grande vigilance, car il cache le piège, dans l’aumône, où il met la vaine gloire ; dans le jeûne, où il met l’arrogance ; ce n’est pas dans les chemins que nous ne suivons pas, mais précisément dans nos chemins, dans les chemins où nous marchons, et c’est là, de beaucoup, le plus redoutable de tous les dangers. « Il ne m’est resté aucun moyen de fuir. » Voyez ici encore un autre mal, qui, vient s’ajouter à tant de maux. En effet, le Psalmiste nous montre non seulement qu’il y a des pièges dans les chemins, qu’il n’y a personne pour porter secours au malheureux, personne qui le connaisse ; mais il ne lui reste pas même un moyen d’échapper, de pourvoir, par la suite, à soir salut. Ainsi, il était au milieu des maux embarrassé, retenu, dans l’impossibilité de fuir, et cependant, même ainsi, il ne désespérait pas. « Et nul ne cherche à sauver ma vie », c’est-à-dire à me défendre, à me secourir. Eh bien, que fait-il ? Dans un manque si complet : de ressources, dans une si grande difficulté, désespère-t-il de son salut ? Nullement. C’est à Dieu qu’il demande tout de suite un refuge, et il dit : « J’ai crié vers vous, Seigneur, j’ai dit : « Vous êtes mon espérance et mon partage, dans la terre des vivants (6). » Voyez-vous cette âme généreuse ? le malheur, loin de l’abattre,