Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui donne des ailes ; absolument privé de secours, au milieu de toutes ces difficultés, le sage a reconnu la main invincible, la force toute-puissante, et, au milieu de tous ces embarras, le facile moyen d’échapper. « J’ai dit : Vous êtes mon espérance. » Tous les moyens humains, dit-il, sont réprouvés, la tempête est tellement au-dessus de tous les secours qu’aucun art ne saurait éviter le naufrage. Et pourtant, quoique tout ici soit désespéré aux yeux des hommes, quoique nous soyons tous à bout de force, épuisés par les malheurs, à vous cependant toutes choses sont faciles ; et de là vient que, pleins d’espoir en vous, nous ne languissons plus. « Vous êtes mon partage dans la terre des vivants », c’est-à-dire, mon lot, mon trésor, mes richesses, vous êtes tout pour moi « dans la terre des vivants ; » ce qu’il appelle, « la terre des vivants », c’est sa patrie, car la captivité de Babylone, il l’appelle souvent les enfers et la mort. Sur la terre étrangère, on ne célébrait pas le culte accoutumé, au contraire, dans la patrie, s’accomplissaient tous les sacrifices, toutes les cérémonies, voilà pourquoi il dit : « Vous êtes mon partage dans la terre des vivants. » Toujours vous avez pris soin de moi, dit-il, et je jouissais de votre familiarité dans la terre des vivants, et je communiquais fréquemment avec vous. « Soyez attentif à ma prière, parce que je suis extrêmement humilié (7). »
Vous voyez, comme je l’ai déjà dit plus Haut, la raison qu’il tait valoir ici encore, il s’appuie sur ce qu’il est humilié, c’est-à-dire, sur ce qu’il a été puni outre mesure pour ses péchés. Cette expression « extrêmement », n’est pas pour réclamer contre ce qui est arrivé ; ce n’est que l’expression de la douleur et de la faiblesse de celui qui souffre. En effet, si vous considérez ce que les péchés méritent, l’humiliation n’est pas trop grande ; mais si vous ne voulez voir que la faiblesse de celui qui souffre, l’humiliation est excessive, et dépasse la mesure. Jamais Dieu, sachez-le bien, n’exige de nous un châtiment qui soit proportionné à nos fautes. Si la peine paraît insupportable à ceux qui la subissent, cela ne vient pas de la nature du châtiment, mais de l’infirmité de ceux qui l’endurent. « Délivrez-moi de ceux qui me persécutent, parce qu’ils sont devenus plus forts que moi. » Voici une autre raison, l’injustice des ennemis qui attaquent, et la grande infirmité de celui qui est poursuivi. « Tirez mon âme de la prison où elle est afin que je confesse votre nom (8). » « Confesser », veut dire ici, rendre grâces. Ces paroles reviennent à ceci : délivrez-moi de mes maux. En effet, par la prison de son âme, il entend la rigueur extrême du malheur.
3. « Afin que je confesse votre nom. » Voilà encore qui n’est pas indifférent, à savoir, quo ceux qui sont dans la prospérité n’oublient pas les bienfaits qu’ils ont reçus. Un grand nombre d’hommes, dans le moment des afflictions, montrent beaucoup de zèle ; au contraire, dans la prospérité, dans le calme, ils se négligent. Il en est d’autres qui dans le repos se négligent, et, au moment de l’affliction, désespèrent et s’affaissent sur eux-mêmes. Le Psalmiste, au contraire, flans ces deux circonstances si différentes, montre toujours la même sagesse. Ni l’affliction ne l’a abattu, au contraire, elle l’a porté à faire entendre ses prières et ses supplications ; ni la prospérité et les loisirs de la paix ne l’ont jeté dans l’inaction, mais, dans ces circonstances mêmes il s’est trouvé encore disposé à rendre au Seigneur des actions de grâces. « Les justes sont dans l’attente de la justice que vous me rendrez. » Un autre texte : « Les justes me couronneront, quand vous m’aurez favorisé de vos bienfaits. » Qu’est-ce à dire ? Le bien que vous me ferez, sera aussi utile aux justes. Car ils se réjouiront ; ils seront saisis d’allégresse ; ils tressailliront, en me voyant affranchi de mes maux. Telles sont en effet les âmes des justes ; les infortunés excitent leur compassion et les heureux ne leur inspirent pas d’envie. Au contraire, les saints se réjouissent et partagent leur joie, et ils félicitent ceux qui ont reçu des bienfaits. C’est là le conseil que donnait Paul, quand il disait : « Se réjouir avec ceux qui se réjouissent et pleurer avec ceux qui pleurent. » (Rom. 12,15) Ce n’est pas là une médiocre vertu ; beaucoup d’hommes se réjouissent à voir ceux que le malheur terrasse ; quand l’infortuné se redresse, beaucoup d’hommes lui portent envie, triste fruit d’une cruauté, d’une haine qui n’a rien d’humain. Il n’en est pas de même des justes : affranchis de ces deux vices, ils possèdent l’humanité et la clémence. Et de même que chez les uns, la cruauté produit à la fois et la joie féroce et l’envie ; de même l’humanité et la clémence sont le partage de ceux qui ont pitié du malheur, et s’associent à la joie des heureux.