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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/28

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Dieu par des hymnes ; si ni la nature du lieu, ni les circonstances, ni l’inquiétude, ni la tyrannie du sommeil, ni la souffrance causée par tant de supplices, si rien en un mot ne put le forcer à interrompre ses chants (Act. 16,25) ; combien plus ne devons-nous pas, quand nous sommes dans la joie, quand nous jouissons des biens que Dieu nous accorde, faire mouler vers fui des chants d’actions de grâces, afin que si l’ivresse et l’intempérance donnent accès dans notre âme à quelque chose de déréglé, toutes ces pensées folles et mauvaises prennent aussitôt la fuite lorsque survient le chant des psaumes. À l’exemple de tous ces riches qui ont soin d’emplir de baume une éponge et d’en frotter la table, afin que si les mets ont fait quelque tache, la table apparaisse propre quand l’éponge y aura passé ; de même les chants spirituels sont un baume dont nous devons emplir nos bouches, afin que si l’intempérance a laissé quelque tache dans l’âme, nous l’effacions au moyen de ces cantiques sacrés, que, nous levain tous nous dirons en commun. « Tu nous as réjouis, Seigneur, par les choses que tu as créées, et nous nous complairons avec allégresse dans les œuvres de tes mains. » (Ps. 91,5) Et qu’au chant du psaume succède aussi une prière, afin que nous sanctifiions notre demeure en même temps que notre âme. Car de même que ceux qui amènent à leur table des mimes, des danseurs et des courtisanes, y appellent les démons et Satan lui-même, et remplissent leur maison de mille et mille dissensions (car il en résulte des jalousies, des adultères, des débauches et tous les maux imaginables) ; ainsi ceux qui prient David de venir avec sa harpe, appellent par son intermédiaire Jésus-Christ même dans leur maison. Or, là où est le Christ, nul démon n’oserait jamais entrer, ni même seulement jeter les yeux ; mais la paix, la charité, tous les biens en un mot y afflueront comme de source. Ces gens-là font de leur habitation un théâtre ; vous autres, faites de votre demeure une église. En effet, là où l’on récite les psaumes, là où l’on prie, là où vient s’assembler le cortège des prophètes, et où l’âme des chanteurs est pleine de l’amour de Dieu, ce n’est point se tromper que d’appeler une pareille réunion du nom d’église. Et quand même vous ne comprendriez pas le sens des paroles, ne laissez pas de former votre bouche à les prononcer ; car la langue se sanctifie même par les paroles, quand on les dit avec bonne volonté. Si nous prenons cette habitude, nous n’omettrons jamais ni à dessein, ni par tiédeur, cette belle manière d’honorer Dieu, car l’habitude nous forcera chaque jour, même sans que nous le voulions, à lui rendre ce beau culte. Pour ce chant des psaumes, point de défaite à donner, ni vieillesse, ni jeunesse, ni rudesse dans la voix, ni inexpérience de l’art de la musique. Ce qu’on y cherche, c’est la sobriété de l’âme, la vigilance de la pensée, la componction du crieur, la solidité de la raison, et une conscience purifiée. Si vous entrez avec tout cela dans le saint cœur de Dieu, vous serez dignes d’y figurer auprès de David même. Point n’est besoin ici de harpe ni de cordes tendues, ni d’archet, ni d’art, ni d’aucun instrument : ou si vous voulez, c’est de vous-même que vous ferez une harpe, en mortifiant vos membres charnels, et en mettant votre corps dans une grande harmonie avec votre âme. Car lorsque la chair n’a point de désirs contraires à l’esprit, mais qu’elle cède à ses commandements, lorsque vous la dirigez jusqu’au bout vers la voie excellente et surnaturelle, vous produisez alors une harmonie spirituelle. Il n’est ici nul besoin d’un art longtemps perfectionné ; il ne faut qu’une intention généreuse, et en un court instant l’habileté nous viendra. Tout cela n’exige ni un certain lieu ni un certain laps de temps ; en tout lieu, en toute circonstance il est possible de chanter les psaumes par la pensée. Même en vous promenant sur la place publique ou en passant dans les rues, même dans la société de vos amis, vous pouvez élever votre âme, vous pouvez vous écrier tout en gardant le silence. C’est ainsi que s’écriait Moïse, et Dieu l’écouta. (Ex. 14,15) Êtes-vous artisan ? il vous est possible de chanter les psaumes, étant assis dans votre atelier, et tout en travaillant. Êtes-vous soldat ? vous pouvez en faire autant pendant que vous êtes de service au tribunal.
3. On peut donc chanter les psaumes sans faire usage de sa voix, c’est la pensée qui retentit au dedans de nous. Car ce n’est pas pour les hommes que nous chaulons les psaumes, mais lieur Dieu qui sait entendre nos cœurs et pénétrer dans le secret de nos pensées. C’est ce que nous enseigne saint Paul, lorsqu’il s’écrie : « L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements ineffables. Et celui qui