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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/29

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sonde les cœurs sait quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède pour les saints. » (Rom. 8,26-97) Ce qui ne veut pas dire que l’Esprit gémisse, mais que les hommes spirituels, qui possèdent les grâces de l’Esprit-Saint, en priant pour leur prochain et en offrant leurs supplications, le faisaient avec componction et avec gémissements. Faisons donc comme eux, et intercédons chaque jour auprès de Dieu au moyen des psaumes et des prières. Et afin de ne pas seulement en proférer les paroles, mais encore de savoir la valeur des mots, mettons-nous à examiner le début même de notre psaume. Voici ce début : « De même que le cerf aspire après les sources, ainsi mon âme soupire après vous, mon Dieu. » C’est l’ordinaire, quand on aime, de ne point tenir secrète son affection, mais de s’en ouvrir à d’autres, de leur déclarer que l’on aime. Car l’amour est ardent de sa nature, et l’âme ne pourrait supporter de le renfermer ainsi sous le silence. C’est pourquoi Paul disait aux Corinthiens qu’il aimait : « Notre bouche est ouverte pour parler de vous, ô Corinthiens (2Cor. 7, 11) ; » c’est-à-dire : Je ne puis cacher ni tenir secret mon amour pour vous, mais sens cesse et partout, je vous porte dans mon esprit et sur ma langue. Et c’est ainsi que le bienheureux Psalmiste, qui aimait Dieu, et qui était consumé de cet amour, ne pouvait supporter de s’en taire, mais que tantôt il disait : « De même que le cerf aspire après les sources, ainsi mon âme soupire après vous, mon Dieu ; » et une autre fois : « O Dieu, mon Dieu, je me tourne vers vous dès l’aurore. Mon âme a soif de vous, comme une terre inaccessible, aride et déserte. » (Ps. 62, 1) Car c’est ainsi que l’a traduit un autre interprète. Et en effet, comme il ne peut trouver de langage pour exprimer son amour, il cherche toutes sortes d’exemples, pour nous faire ainsi comprendre sa tendresse, et nous faire partager les mêmes transports. Laissons-nous – donc persuader à ses paroles, et apprenons à aimer ainsi.
Et qu’on n’aille pas me dire : Et comment puis-je aimer Dieu, que je ne vois pas ? Il y a bien des gens que nous aimons sans les voir, comme par exemple nos amis, nos enfants ou nos parents, nos proches et nos familiers, lorsqu’ils sont en pays étranger : la privation de leur aspect n’apporte à cela aucun obstacle, c’est même précisément là ce qui enflamme surtout notre tendresse et accroît le besoin que nous avons de leur présence. C’est pourquoi encore, Paul parlant de Moïse, et ayant dit qu’il abandonna richesses, trésors, splendeur royale, tout l’éclat en un mot dont il jouissait en Égypte, et préféra être affligé avec les Juifs ; ensuite pour nous apprendre la cause de cette conduite, qui était que Moise faisait tout cela pour Dieu, il ajoute ces mots : « Car il demeura ferme comme s’il eût vu l’invisible. » (Héb. 11,25-27) Vous ne voyez pas Dieu, mais vous voyez ses créatures, vous voyez ses œuvres, le ciel, la terre, la mer. Et quand on aime, il suffit de voir quelque ouvrage de la personne aimée, ou même sa chaussure, ses habits, n’importe quel objet lui appartenant, pour que cet amour se ravive en nous. Vous ne voyez point Dieu, mais vous voyez ses serviteurs, ses amis, je veux dire les saints, qui ont toute sa confiance. Honorez-les maintenant et vous en recevrez un adoucissement extraordinaire, aux regrets que vous avez de ne point le voir. En effet, même lorsqu’il s’agit de nos semblables ; nous aimons ordinairement non seulement nos amis, mais encore les personnes qu’ils aiment. Et si une personne que nous aimons vient à nous dire J’aime bien untel ; quand il lui arrive quelque bonheur, il me semble que c’est à moi que l’on fait du bien ; alors nous faisons tout, nous employons toutes nos ressources pour prouvera cette dernière personne tout notre zèle, comme si nous voyions en elle celle même que nous aimons. Eh bien ! il nous est donné dès maintenant de donner cette preuve de notre amour pour Jésus ! Il a dit qu’il aimait les, pauvres, et que si nous leur faisions du bien, il nous récompenserait comme s’il en avait lui-même été l’objet. (Mt. 19,21) Faisons donc tout pour leur venir en aide ; que dis-je ? Épuisons pour eux tous nos biens, persuadés qu’en leur personne, c’est Dieu même que nous nourrissons. Si vous voulez vous en convaincre, écoutez cette parole de Jésus-Christ : « Car vous m’avez vu souffrant de la faim, et vous m’avez donné à manger ; souffrant de la soif, et vous m’avez donné à boire ; dans la nudité, et vous m’avez vêtu (Mt. 25,35-36) », et il nous a donné bien des moyens d’adoucir le regret de ne point le voir.
Voici trois choses principales qui font ordinairement naître l’amour en nous : la beauté du corps, la grandeur des bienfaits, et l’amour