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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/292

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3. Et maintenant, considérez cette vérité dans la réalité même des choses ; réfléchissez sur les puissants de ce monde, qui se font traîner dans des chars, qui exercent des magistratures, qui jettent les hommes en prison, qui condamnent aux verges ; quelle différence y a-t-il entre eux et une ombre ? Je ne dis pas seulement, au moment de la mort ; je dis, même avant la mort. En effet, quand ils ont déposé leur magistrature toute leur pompe disparaît et s’envole ; mais c’est ta réalité qui nous attend, après notre départ d’ici. Il y aura un compte réel à rendre, des châtiments réels, des biens réels aussi, et le juge est celui qu’il est absolument impossible de tromper. Au contraire, ce qui se passe sous nos yeux, ressemble à des jeux d’enfants ; qui juge aujourd’hui est jugé demain ; les changements se pressent, se succédant rapidement ; c’est l’inconstance dans ce qui ne fait que passer. « Seigneur, abaissez vos cieux et descendez, touchez les montagnes et elles se réduiront en fumée (5). » Un autre : « Quand a vous avez incliné vos cieux que vous êtes descendu et que vous avez touché les montagnes, elles ont été réduites en fumée. » Que signifie cet enchaînement de paroles ? Enchaînement, oui certes, et les paroles présentes tiennent fortement à ce qui précède. En effet, après avoir parlé de la bassesse humaine, montré le néant de notre nature, le Psalmiste lui impose encore un frein ; il réprime l’arrogance qui se gonfle, il ajoute des paroles qui reviennent à peu près à ceci. Certes, ils auraient bien dû, par eux-mêmes, comprendre la bassesse de leur nature et ne pas tant se complaire en eux-mêmes et ne pas concevoir tant de fierté ; mais, puisqu’ils ne le veulent pas, montrez-leur, Seigneur, par la réalité même, à quelle bassesse ils sont réduits.
« Seigneur, abaissez vos cieux, et descendez. » Ce qu’il dit, ce n’est pas que Dieu descende ; en effet comment pourrait-il descendre, Celui qui est présent partout ? Mais il veut, par ces expressions humaines, inspirer la terreur aux auditeurs d’un esprit un peu lent ; il parle donc de ces choses, en se conformant au langage humain. Sans doute, cette action de fou cher les montagnes paraît avoir de la grandeur ; elle est toutefois assurément de beaucoup au-dessous de la dignité de Dieu. En effet, Dieu n’a pas besoin de toucher les montagnes, pour les réduire en fumée ; il n’a pas même besoin de faire un signe ; il lui suffit d’y penser, de le vouloir. Donc, après avoir parlé de la bassesse de l’homme, il parle encore de la puissance du Dieu, autant que l’homme peut traiter un pareil sujet ; car, ses expressions encore sont bien au-dessous de cette majesté. « Faites briller vos éclairs et vous les dissiperez ; envoyez vos flèches, et vous les remplirez de trouble (6). » Éclairs, ici, et flèches ne sont pas pris dans le sens propre ; il désigne ainsi les supplices, s’appuyant sur des faits connus, pour persuader, à celui qui méprise Dieu, au lâche, au négligent, de trembler, de respecter avec crainte, et de s’abaisser. Si, en effet, on ne peut supporter l’éclair, quoiqu’il ne soit pas envoyé pour le châtiment, à l’heure où Dieu voudra punir, qui pourra le supporter ? Et maintenant, les flèches de Dieu sont les pestes, les famines, les malheurs imprévus, les innombrables supplices. « Faites éclater, du haut du ciel, votre main toute-puissante, et délivrez-moi ; sauvez-moi de l’inondation des eaux, de la main des enfants étrangers (7). » C’est qu’en effet la puissance de Dieu n’est pas prompte, seulement pour punir, mais pour conserver. Quant à la main, elle marque ici l’assistance, le secours. Et voilà pourquoi il ne dit pas, étendez, mais : « Faites éclater. » Si d’ailleurs il dit, dans quelqu’autre passage, « Étendez », cette expression a le même sens. Maintenant l’inondation marque l’irruption insolente des ennemis, l’attaque courtise et impétueuse. Ce qui prouve en effet qu’il ne s’agit pas ici des eaux à proprement parler, c’est ce qu’il ajoute : « De la main des enfants étrangers. » Or, ces enfants étrangers me paraissent indiquer ici ceux qui sont étrangers à la vérité. De même, en effet, que les fidèles sont regardés par nous comme des frères, de même nous regardons comme des étrangers les infidèles ; et c’est surtout par cette raison que nous distinguons l’étranger de Celui qui nous tient de près par l’affection. En effet, celui-là est mon parent, qui a le même père que moi, qui participe à la même table, il me tient de plus près que celui qui m’est uni seulement par la communauté de race. Ce genre de parenté est plus parfait que l’autre, de même que l’éloignement par suite de dispositions et de principes contraires, est plus déclaré, plus évident que celui qui résulte de la diversité des familles. Donc ne vous arrêtez pas à ce fait, que nous vivons sous le même ciel, dans la même par