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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/331

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Quel autre que moi te parlera de ces choses ? Les magistrats ? ce ne sont pas là leurs affaires ; ils te parleront de citation, d’accusation. Ta femme ? elle t’entretiendra de toilette et de parures d’or. Ton fils ? d’héritages, de testaments, de capitaux. Le serviteur de ta maison ? de service, de servitude, de liberté. Mais peut-être les parasites ? déjeuners, soupers, dîners. Les gens de théâtre ? ils t’occuperont de leurs rires honteux, de leur concupiscence effrénée. Mais les gens de loi ? testaments, héritages, immunités, c’est leur métier. Qui donc peut te parler de ces choses, si ce n’est moi ? tous te craignent, mais tu ne me fais pas peur. Tant que je te verrai dans cet état, je te braverai, je te regarderai du haut en bas, je braverai ton mal, je te fais l’amputation, et tu cries ? mais je ne m’épouvante pas de ta voix ; je veux ton salut, je suis médecin. Si, pour te guérir d’un ulcère, tu appelais le médecin, en le voyant aiguiser le fer, ne lui dirais-tu pas : taillez, quelle que soit ma souffrance ; tu parlerais ainsi dans l’attente de ta guérison, et tu me fuis, moi qui ne te fais pas d’amputation avec le fer ; qui ne me sers que de la parole, pour purifier ton âme. Or, que fait le médecin ? Souvent il coupe et il envenime la plaie ; moi, je ne l’envenime pas, mais je la guéris. Le corps en effet est d’une nature peu fertile en ressources, et les remèdes n’ont qu’une faible puissance ; mais sur l’âme, la parole est toute-puissante. Le médecin ne te promet pas le salut ; et moi, je te promets le salut, écoute-moi. Si le Fils unique de Dieu est descendu sur la terre, c’est pour nous faire remonter avec lui, c’est pour nous placer au plus haut des cieux.
Je ne crains qu’une chose, le péché ; que tout le reste disparaisse, richesse, pauvreté, puissance ; et quoi que ce soit. Ce que je dis, je ne me lasserai pas de le redire, parce que je ne veux perdre aucune des brebis de mon troupeau. Eh quoi ! Est-il donc possible qu’un riche obtienne le salut ? sans doute ; Job était riche, Abraham était riche. Avez-vous remarqué ses richesses ? remarquez son hospitalité. Avez-vous remarqué sa table ? remarquez son affabilité. Mais quoi, Abraham ? il était riche. Ai-je dit le contraire ? Abraham était-il riche ? oui, Abraham était riche. Vous avez remarqué sa richesse ? remarquez sa conduite. Vers l’heure de midi le Seigneur lui apparut, pendant qu’il était assis auprès du chêne de Mambré. Or, voici trois hommes. Il se leva (il ne pensait pas que ce fût Dieu qui était présent ; comment aurait-il pu s’en douter?) ; il adora, et dit : « Si j’ai trouvé grâce devant vos yeux, entrez dans ma tente couverte de bois. » (Gen. 18,1, 3) Voyez-vous ce que faisait ce vieillard à midi ? Il n’était pas assis sous son toit, mais il attirait les voyageurs, les passants, qu’il ne connaissait pas ; et il se leva, et il adora, lui, l’homme riche, et de noble race. Il avait des richesses en abondance, et il laissait là sa maison, sa femme, ses enfants, ses domestiques, au nombre de trois cent dix-huit ; il laissait tout pour aller à sa pêche ; il étendait le filet de l’hospitalité, de manière qu’aucun passant, qu’aucun étranger ne pût aller plus loin que sa maison. Voyez ce que fait le vieillard ; il ne demande rien à un serviteur ; il en avait trois cent dix-huit ; mais il savait bien que les serviteurs sont négligents ; il craignait que le serviteur ne s’endormît ; ce qui fait que le voyageur aurait passé outre, et ainsi le patriarche aurait perdu sa proie. Voilà ce qu’était Abraham ; voilà ce qu’était ce riche. Eh bien ! vous, daignez-vous seulement regarder un pauvre, lui répondre, lui adresser la parole ? S’il vous arrive, parfois, de donner, c’est par l’intermédiaire d’un serviteur. Mais il n’en était pas de même de cet homme juste ; il demeurait assis, exposé à l’ardeur des rayons du soleil ; mais, au milieu de là chaleur, il sentait sur lui la rosée ; c’était pour lui un ombrage que le désir d’exercer l’hospitalité ; il demeurait assis, cueillant le fruit de – l’hospitalité. Et cela, quand il était riche. Comparez-moi un peu, avec ce juste, les riches d’aujourd’hui ; à l’heure de midi, où sont-ils assis dans l’enfer. Où sont-ils assis ? dans la mort de l’ivresse. Où sont-ils assis ? sur la place publique, renversés, ivres, aveuglés ; sans cœur, plus stupides que les animaux stupides. Il n’en était pas de même de ce juste.
5. Voulez-vous imiter Abraham ? imitez-le de cette manière ; je ne vous en empêche pas, au contraire, je vous le conseille, quoiqu’où exige encore de nous de plus grandes vertus : car, dit l’Écriture, « Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » (Mt. 5,20) Toutefois, en attendant, atteignez seulement Abraham. Qu’avait-il fait pour lui, Abraham ? Il pratiquait l’hospitalité, il se levait, il s’inclinait