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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/347

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propre bouche (Luc. 19,22), » c’est toi-même qui viens de dire, que nul ne peut remettre les péchés que Dieu seul ; eh bien ! voici, dit-il, que je remets les péchés, confesse donc ma divinité ; c’est, d’après ta manière de juger, que je porte moi-même la sentence. Nous voyons ici l’action spirituelle d’abord, et ensuite, l’action sensible. Paul nous montre ici le contraire, il fait tomber d’abord les liens sensibles, et ensuite les liens spirituels.
Avez-vous bien compris la force des hymnes, la puissance de la bénédiction, la puissance de la prière ? Certes l’efficacité de la prière est toujours grande ; mais, quand le jeûne se joint à la prière, c’est alors que l’âme est doublement puissante ; c’est alors que nous avons la tempérance dans les pensées ; c’est alors que l’âme se réveille et contemple les choses d’en haut. Aussi l’Écriture joint-elle toujours le jeûne à la prière. Comment cela ? Dans quel passage ? « Ne vous refusez point l’un à l’autre ce devoir, » dit l’Apôtre, « si ce n’est du consentement de l’un et de l’autre, afin d’être libres pour le jeûne et pour la prière. » (1 Cor. 7,5) Et encore ailleurs : « Mais cette sorte de démon ne se chasse que par la prière et le jeûne. » (Mt. 22,20) Et ailleurs encore : « Et après qu’ils eurent prié et jeûné, ils leur imposèrent les mains. » (Act. 1,33)
5. Voyez-vous le jeûne partout uni à la prière ? C’est alors en effet qu’il s’échappe de la lyre une mélodie plus agréable, plus digne du Seigneur. Les cordes ne sont pas humides, relâchées par l’ivresse ; la raison est bien tendue ; l’intelligence, bien éveillée ; l’âme vigilante ; c’est ainsi qu’il convient de s’approcher de Dieu, de s’entretenir avec lui, seul à seul. Si nous avons une affaire grave à communiquer à nos amis, nous les prenons à l’écart : à bien plus forte raison, faut-il se conduire de même avec Dieu, entrer, avec un calme parfait, dans la chambre où il se retire. Et nous obtiendrons absolument tout de lui, si nous lui demandons ce qui est utile. C’est un grand bien que la prière, quand elle part d’une âme reconnaissante et sage. Et maintenant, comment la prière montrera-t-elle notre reconnaissance ? Si nous nous faisons une loi, non-seulement quand nous recevons, mais, de plus, quand nous ne sommes pas exaucés, de bénir le Seigneur. En effet, tantôt le Seigneur accorde, tantôt il n’accorde pis ; mais, dans l’un et dans l’autre de ces deux cas, il agit utilement pour nous ; de sorte que, soit que vous receviez, soit que vous ne receviez pas, vous recevez cela même que vous n’avez pas reçu ; et si vous avez réussi, et si vous n’avez pas réussi, vous avez réussi en ne réussissant pas. C’est qu’en effet il y a des circonstances où il est plus utile pour nous de ne pas recevoir que de recevoir ; s’il n’était pas souvent de notre intérêt de ne pas recevoir, Dieu nous accorderait toujours ; quand il est de notre intérêt de ne pas réussir, l’insuccès est un succès. Voilà pourquoi Dieu diffère souvent de nous accorder nos demandes ; ce n’est pas pour nous faire languir ; quand il nous force à attendre le don, il nous exerce, et il fait bien, à l’assiduité dans la prière. Souvent nous recevons, et après avoir reçu, nous négligeons la prière ; or Dieu, qui veut nous tenir constamment en éveil, diffère de nous accorder ce que nous désirons. C’est la conduite des bons pères, dont les enfants paresseux ne montrent d’ardeur que pour de puérils plaisirs ; les pères les retiennent auprès d’eux, en leur promettant un très-grand présent, et, pour les retenir, tantôt ils diffèrent, tantôt ils refusent absolument de donner. Il arrive aussi que nous voulons des choses nuisibles, et Dieu, qui comprend mieux que nous nos intérêts, n’écoute pas nos prières, aimant mieux nous procurer ce qui nous est utile, même à notre insu. Et qu’y a-t-il d’étonnant que nous ne soyons pas exaucés, quand la même chose est arrivée à Paul ? Lui aussi souvent, n’a pas obtenu ce qu’il demandait, et, non-seulement il ne s’est pas affligé, mais encore il a rendu à Dieu des actions de grâces. « C’est pourquoi, » dit-il, « j’ai prié trois fois le Seigneur. » (2Co. 12,8) Cette expression « Trois fois » signifie souvent. Si Paul, après de fréquentes prières, n’a pas réussi, à bien plus forte raison nous convient-il, à nous, de persévérer. Mais voyons ce qu’il éprouvait, après avoir souvent demandé sans obtenir ; non-seulement il ne s’affligeait pas, mais encore il se glorifiait de ce qu’il n’avait pas reçu. « J’ai prié trois fois le Seigneur, et il m’a répondu : Ma grâce vous suffit, car ma puissance éclate dans la faiblesse. » (2Co. 12,9) Et il continue : « Je prendrai donc plaisir à me glorifier de mes faiblesses. »
6. Comprenez-vous la reconnaissance, du serviteur ? il demande à être affranchi de ses