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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/350

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COMMENTAIRE SUR ISAÏE.

AVERTISSEMENT.


Ce commentaire mérite d’être rangé non seulement parmi les œuvres authentiques, mais encore parmi les plus remarquables de saint Jean Chrysostome, tant pour le style et l’éloquence que pour les préceptes de morale et de conduite qu’il renferme. – Que ce commentaire ait été écrit et non prêché, c’est ce dont sa forme elle-même ne permet, guère de douter. – Tillemont conjecture avec assez de vraisemblance que saint Chrysostome composa ce commentaire à Antioche, soit dans le désert où il vécut quelque temps parmi les solitaires, soit peut-être après sa promotion au diaconat. – La division en chapitres que présente ce commentaire a été faite par quelque moderne d’après notre Vulgate, parce que la version des Septante que suivait l’auteur était divisée différemment.

PRÉFACE.


Éloge du prophète Isaïe. – Que les saints et les prophètes sont animés d’un grand amour envers les peuples.
Le mérite excellent de ce prophète se voit très bien dans ses œuvres, mais ce qui le fait voir non moins parfaitement, c’est le témoignage qu’en rend celui qui, plus que tout autre, était capable d’apprécier ses qualités. Je veux dire saint Paul dont l’Esprit-Saint lui-même dictait les paroles. Le langage franc d’Isaïe, sa pensée toujours libre, ses sentiments élevés, la clarté de ses prophéties sur le Christ, toutes ses qualités, l’Apôtre nous les montre par un seul mot, en disant : « Isaïe ne craint pas de dire j’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas. » Sa compassion pour les maux de ses frères est bien grande aussi il ne s’est pas seulement élevé contre la folie du peuple, il n’a pas seulement, dans un langage libre et avec une pensée élevée, annoncé aux Juifs les châtiments qui les puniraient, mais quand ce qu’il avait prédit est arrivé il souffre, il est tourmenté non moins que ceux que le malheur opprime et il gémit plus douloureusement que ces infortunés. C’est là du reste ce que presque tous les prophètes et les saints ont fait : leur affection pour ceux qu’ils étaient chargés de conduire surpassait la tendresse des pères pour leurs enfants ; la nature est moins forte que n’était leur charité. Il n’est point, non, il n’est point de père qui soit embrasé d’amour pour ses enfants comme ceux-là pour le peuple qu’ils dirigeaient : car pour lui ils étaient disposés à mourir, gémissant, se lamentant, partageant leur captivité et leurs infortunes, faisant et