Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sont néanmoins utiles pour la conservation de la vie. La famine n’est pas le seul mal à craindre, il n’est pas moins funeste de n’avoir personne à la tête des affaires : car alors l’abondance même des choses est plus triste que la famine. Que sert-il que tout coule comme de source, s’il s’élève des guerres civiles, si la mer s’agite et qu’au milieu de la furie des flots il n’y ait ni commandant ni pilote, personne enfin pour apaiser la tempête et rendre le calme ? Lorsque la faim vient s’ajouter à cela, voyez l’excès du mal. Dieu menace de toutes ces calamités, et la première est aussi la plus grave. « Voici que le Maître, le Seigneur des armées. » Les prophètes se servent constamment du mot « voici » quand ils veulent pleinement certifier à l’auditeur la vérité de ce qu’ils disent. Ce n’est pas seulement ici, mais précédemment, et même dès le commencement qu’on a pu voir que l’infirmité du corps n’était souvent que la punition des fautes, par exemple pour Caïn ; comme il fit de sa force un usage contraire à la raison, c’est avec raison qu’elle lui fut retirée. De même du paralytique de la piscine ; que ses péchés aient été la cause de sa paralysie, le Christ l’affirme : « Voici que vous êtes guéri, ne péchez plus. » (Jn. 5,14) Et Paul dit : « Aussi y en a-t-il parmi vous beaucoup qui sont infirmes. » (1Cor. 11,30) Ils avaient en effet péché en apportant à la participation des mystères une conscience impure. Et il livre à l’infirmité du corps le fornicateur à qui il avait annoncé que ce serait là un châtiment de ses crimes. Cependant ce n’est pas partout le résultat du péché ; c’est quelquefois une épreuve qui plus tard sera couronnée, comme il arriva à Lazare et à job. Ce n’est pas seulement l’infirmité, ce sont encore les autres maux du corps qui nous surviennent à cause de nos péchés, comme la lèpre d’Ozias à cause de son impudence, la paralysie de la main du roi Jéroboam à cause de son arrogance et de son orgueil. Et la langue de Zacharie, pourquoi fut-elle enchaînée, sinon pour le péché qu’il avait commis en son âme ? Comme donc la santé, la force, du corps et la prospérité devenaient pour les Juifs une occasion de s’enorgueillir, le Seigneur coupe le mal dans sa racine en les avertissant, les rendant meilleurs et leur donnant des biens plus grands que ceux qu’il leur enlève. Quel mal y a-t-il à ce que le corps souffre si l’âme en est portée à la vertu ? Et pour qu’ils ne pussent regarder cette infirmité comme une chose naturelle, le Prophète l’a prédite ; et ce n’est pas aux hommes seulement que s’adresse cette menace : le châtiment s’étend jusqu’aux femmes, puisque l’un et l’autre sexe se sont souillés, et dans la suite il s’adresse aux femmes à cause de l’excès de leurs fautes, et il leur reproche des crimes qui ont renversé la ville de fond en comble. Aussi il les menace également de la peste, car c’est la peste qu’il me semble indiquer par ces mots : « Je vais enlever l’homme fort et la femme forte », ou quelque autre infirmité du corps qui ne cédera point à l’art de la médecine. Car tels sont les fléaux envoyés par Dieu. « La force du pain et la force de l’eau. » C’est un bien terrible châtiment que de voir disparaître, non pas la substance, mais la force qu’elle contenait, de sorte que la vue même nous punit puisque notre faim ne peut se rassasier et nous montre que c’est bien là un effet de la colère divine. « Le géant et le puissant. » L’Écriture appelle ordinairement géant tout homme fort ou qui surpasse les autres par la proportion de ses membres. En effet lorsqu’elle dit, dans le récit de la création : « C’étaient des hommes appelés géants (Gen. 6,4) », ce n’est pas qu’elle nous fasse voir en eux une autre race, mais elle nous les montre forts, robustes et vigoureux. « L’homme de guerre et le juge. » C’est un châtiment insupportable, c’est la marque d’une ruine complète ; les murailles et les tours sont debout, et cependant la ville pourrait tomber avec ses habitants entre les mains des ennemis ! Car la sûreté des villes ne réside pas dans les pierres, dans le bois, dans les murs d’enceinte, mais dans la sagesse de leurs habitants, et quand ils sont tels, ils seront, en présence des ennemis, le meilleur rempart de leur patrie ; quand au contraire ils sont dépourvus de sagesse, ils rendent, même en l’absence de tout ennemi, la cité plus malheureuse que si elle était assiégée.
2. Aussi, pour ces pécheurs et pour tous ceux qui l’entendront, c’est une grande leçon de sagesse que donne le Prophète, en enseignant qu’il ne faut pas mettre sa confiance dans la grandeur d’une ville, dans les fossés et les machines qui la défendent, mais dans la vertu des gens de bien. Il leur dit donc pour les effrayer que le Seigneur leur enlèvera cep qui les protégé, non seulement les hommes qui savent combattre, mais même les juges