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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/377

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ce saint de deux manières. Moïse n’alla pas simplement accuser ; il prit l’extérieur d’une personne affligée et c’est ainsi qu’il accusa. Isaïe l’imite en ces deux choses quand il dit : « Mon peuple, les exacteurs te dépouillent. » Il les accuse et c’est pour paraître témoigner au peuple de la compassion qu’il parle ainsi. Par collecteurs il paraît désigner les usuriers ; pour moi, je croirais volontiers qu’il indique les voleurs et les avares, ou, si ce n’est pas ce sens, les receveurs des impôts. Remarquez ici sa prudence. Ce n’est pas qu’il blâme la chose, mais l’abus de la chose. Il ne dit pas en effet exigent ton bien, mais te dépouillent, c’est-à-dire te ravissent ce que tu as, te privent de tout sous prétexte d’impôts. C’est aux moissonneurs qu’il a emprunté cette métaphore. Dépouiller complètement un champ, c’est recueillir après la moisson les épis qui ont échappé aux ouvriers ; c’est ne rien laisser sur ce champ. Or, c’est ce que faisaient alors les collecteurs d’impôts, puisqu’ils enlevaient tous les biens et renvoyaient les citoyens dépouillés. « Et les receveurs dominent sur vous. » Et ce qu’il y a de pis, c’est qu’ils ne se sont pas montrés seulement avides de biens, mais qu’ils ont porté plus loin leur tyrannie en soumettant à la servitude les hommes libres. « Mon peuple, ceux qui vous flattent vous trompent. » Ici Isaïe me semble indiquer les faux prophètes, ou ceux qui parlent pour se rendre agréables : ce qui devient la cause d’une corruption extrême. Aussi pour montrer combien cela est nuisible, il ajoute : « Ils rompent le chemin par où vous devez marcher ; » c’est-à-dire, ils ne vous laissent pas marcher droit, parce qu’ils vous font dévier, vous découragent et vous ôtent la vigueur. « Mais le Seigneur est prêt à venir vous juger, et c’est son peuple qu’il appellera au jugement ; le Seigneur entrera en jugement avec les anciens de son peuple et leurs princes(13). »
Il continue d’employer la même espèce d’accusation, la dirigeant non contre le peuple, mais contre les anciens et les chefs et rendant sa parole plus effrayante. D’un autre côté c’est Dieu qu’il montre jugeant, condamnant, et accusant des maux qu’ils avaient faits au peuple ceux qui lui ont nui. C’est pour cela qu’il dit : « Mais le Seigneur est prêt à venir juger. » Comme il a parlé en vain pour accuser puisqu’il s’adressait à des gens qui regardent l’accusation comme chose peu grave et ne se laissent effrayer que par les peines, il dit qu’on ne se bornera pas à accuser, mais qu’un châtiment est réservé au péché ; celui qui condamnera, châtiera lui-même et jugera les prévaricateurs. Ceci nous montre combien Dieu est rempli de charité, puisqu’il consent à entrer en jugement avec eux et qu’il cherche à les confondre, ce qui doit certes causer une grande douleur aux hommes qui auraient conservé leur bon sens. Ce n’est pas seulement pour le motif dont j’ai parlé pins haut qu’il s’adresse aux princes et aux anciens, mais aussi pour apprendre à tous que le jugement des chefs sera plus sévère que celui des sujets. Ceux-ci ne répondront que pour eux-mêmes, ceux-là répondront et pour eux-mêmes et pour le peuple dont ils ont pris la direction ; et ce n’est pas sans raison que les anciens seront soumis à un jugement aussi rigoureux. Car ce que fait l’autorité chez les chefs, l’âge le fait chez les vieillards. Certes le jeune homme qui pèche gravement mérite un châtiment ; mais celui à qui l’âge a apporté plus de came, qui m’est plus assiégé par des passions furieuses, mais pour qui il est facile de vivre en sage, et qui peut s’abstenir des choses du siècle, sera justement puni avec plus de sévérité s’il montre dans un âge avancé la même licence que les jeunes gens. « Mais vous, pourquoi avez-vous incendié ma vigne, et pourquoi vos maisons sont-elles remplies de la dépouille du pauvre ? » Partout Dieu montre le soin qu’il prend des opprimés, soin non moins grand que quand il s’agit de péchés commis contre lui ; bien plus il punit quelquefois plus gravement les fautes contre le prochain. Une femme est-elle adultère, il permet à son mari de la renvoyer : est-elle infidèle, il ne le permet pas, et cependant la faute d’infidélité est dirigée contre lui, tandis que l’autre n’est dirigée que contre un homme. Si votre sacrifice est prêt, il vous ordonne de le laisser là et de ne pas l’offrir avant que vous ne soyez réconcilié avec votre frère, si vous l’avez offensé. Et quand il juge celui qui devait dix mille talents, après avoir rappelé par combien de fautes il avait été offensé, il ne l’appelle pas même méchant, loin de là il se réconcilie aussitôt avec lui et lui remet toute sa dette ; mais pour les cent deniers exigés de son compagnon, il l’appelle méchant serviteur, le livre aux bourreaux et, dit-il, il ne le relâchera que quand il aura payé toute la dette.