Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à d’autres, de peur que la faveur faite à l’un n’attire à l’auteur du bienfait un grand nombre de demandes, car lorsqu’on a donné aux uns ; on ne peut plus recourir à aucune raison pour ne point donner aux autres. Or, il est naturel que les hommes fassent de telles recommandations, parce, qu’à force de donner ils deviennent pauvres ; mais Dieu, au contraire, proclame et publie ce qu’il donne aux uns pour fournir aux autres un motif de lui demander à leur tour. Ce qu’il donne ne fait que montrer sa richesse plus grande encore. Aussi saint Paul dit-il : « Celui qui est riche pour tous, et en faveur de tous ceux qui l’invoquent. » (Rom. 10,12) Ne voyez-vous pas là un nouveau caractère de la richesse ? Imitez, vous aussi, cette libéralité. Car lorsque vous emploierez de la sorte les richesses que vous avez en réserve, vous les rendrez encore plus grandes ; et si vous les enfouissez, vous ne faites que les diminuer. Et qu’y a-t-il d’étonnant qu’il en soit ainsi dans l’ordre spirituel, lorsque cela arrive même dans l’ordre matériel ? En effet, si un homme, voulant économiser le blé qu’il a chez lui, ne le consomme point, et ne le jette pas dans les champs, il le livre en pâture aux vers ; si au contraire il le sème, il augmente sa récolte.
3. Écoutez, vous tous qui êtes de mauvaise volonté pour l’aumône. Écoutez, vous qui diminuez vos richesses en les tenant sous clef. Écoutez, vous dont l’état ne vaut pas mieux que celui d’un homme qui rêve qu’il est riche. La vie présente ne vaut pas mieux qu’un songe ; comme certaines gens qui, pendant leur sommeil, se figurent avoir une fortune, quand même ils se croiraient alors possesseurs des trésors des rois, sont néanmoins les plus pauvres du monde quand arrive le jour ; ainsi, celui qui dans cette vie n’aura pu rien amasser pour l’autre, sera un jour le plus pauvre de tous, quand même ici-bas il aurait possédé les richesses de tous ; il n’aura été riche qu’en songe. Si donc vous voulez me montrer l’homme opulent, montrez-le-moi quand sera venu le jour où nous partirons pour notre patrie de l’autre monde ; car pour l’instant je n’admettrai point de distinction entre le riche et le pauvre. Il y a là non des choses véritables, mais plutôt des mots brillants et sonores. De même que le vulgaire appelle πολυβλέπωντες les aveugles, et que le fait ne confirme pas l’expression, puisqu’elle désigne précisément ceux qui n’y voient point, de même je prétends que le nom de riches est prodigué ici-bas à ceux qui ne possèdent rien là-haut. Quelqu’un est-il riche en ce monde, c’est à cela surtout que je vois qu’il est pauvre ; s’il n’était pas si pauvre, il ne serait pas si riche. Tant qu’un homme, dont la vue est abîmée, n’est pas complètement aveugle, on ne l’appelle pas πολυβλέπων ; eh bien ! il faut faire le même raisonnement relativement aux riches. Laissons donc de côté la tromperie des mots, et attachons-nous à la vérité des faits. Car les faits ne dépendent pas de leurs appellations, mais c’est la nature des faits qui leur assigne des dénominations conformes à leur essence propre. Un tel est appelé riche, mais il ne l’est pas. Et comment ne l’est-il pas, puisqu’il regorge d’argent, d’or, de pierres précieuses, de vêtements tissus d’or, et de tout le reste ? Parce que ce n’est pas l’or, ni les vêtements, ni la fortune, mais l’aumône qui rend l’homme riche. Ces prétendues richesses ne sont qu’un peu d’herbe, de bois et de paille. En effet, quel est le vêtement, dites-moi, qui pourra revêtir en ce jour-là l’homme comparaissant dépouillé de tout devant le terrible tribunal ? Aussi saint Paul disait-il avec crainte : « Si toutefois nous nous sommes trouvés vêtus, et non point nus. » (2Cor. 5,3) Quelles richesses pourront alors le sauver du danger ? quels serviteurs seront là pour assister leur maître flagellé ? quelles habitations ? quelles pierres précieuses ? quels bains pourront enlever les souillures de ses péchés ? Jusques à quand vous trompez-vous vous-mêmes ? jusques à quand ne discernez-vous pas la vérité des choses, et êtes-vous en admiration devant des songes, lorsque le jugement est tout près de vous, à votre porte ? Mais revenons à notre sujet : « Nos pères nous ont fait connaître l’œuvre que nous avons opérée en leurs jours, dans des jours anciens. » Cette parole peut être prise dans le sens anagogique. Car s’ils ont entendu les récits de leurs pères, à nous la grâce de Dieu a donné d’apprendre par la visitation de l’Esprit-Saint ce qui est arrivé à eux-mêmes. Et comment prendre ces paroles anagogiquement ? En les appliquant aux bienfaits de la grâce nouvelle qui nous a introduits dans le ciel, qui a daigné nous admettre au royaume éternel, qui a déterminé Dieu à se faire homme, et qui a détruit le mur de séparation qui, était entre lui et nous. Mais revenons maintenant au sens historique. « L’œuvre que nous avons