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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/37

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langage comme celui-ci : Nous avons, pour toi, souffert telle et telle chose ; viens à notre secours ; mais comme si ces titres leur manquaient, comme s’ils n’avaient pas dans leurs propres mérites un motif de confiance, ils invoquent les faveurs dont Dieu prit autrefois l’initiative à l’égard de leurs ancêtres. Que des gens que rien n’autorise à cette confiance, en agissent de la sorte, cela n’a rien d’étonnant, la nécessité les y entraîne ; mais que ces hommes, qui pouvaient parler avec assurance à cause de leurs propres mérites, ne considèrent pas cela comme un titre à leur propre conservation, et ne se fondent que sur la bonté de Dieu, dont leurs pères ont été favorisés avant eux, ceci est la preuve de leur grande humilité ; et par là ils se préparent encore un grand sujet de hardiesse. Car l’invocation seule de Dieu suffit à mettre fin à des guerres innombrables.
2. « Nos pères nous ont raconté. » Écoutez, vous tous qui négligez vos enfants, qui les laissez chanter des chants diaboliques, et qui négligez les récits divins. Tels n’étaient pas les hommes dont nous parlons, ils passaient toute leur vie à raconter les œuvres de Dieu ; et ils y gagnaient doublement. Car ceux qui avaient reçu de lui des bienfaits, devenaient meilleurs par le souvenir qu’ils en conservaient ; et leur postérité, puisant dans ces récits une grande ressource pour connaître Dieu, acquéraient ainsi du zèle pour la vertu. Leurs livres, c’était la bouche des auteurs de leurs jours, et toutes leurs études comme tous leurs entretiens consistaient dans ces récits, dont rien ne surpassait le charme et l’utilité. En effet, si des narrations de faits ordinaires, ou des fables et des fictions ont en général le don d’intéresser les auditeurs, à bien plus forte raison, en retraçant les événements qui prouvaient combien est grande la bienfaisance de Dieu à notre égard, sa puissance, sa sagesse, et sa sollicitude pour nous, devait-on transporter de joie l’auditeur, et augmenter en lui la vertu. Car c’étaient les témoins et les spectateurs mêmes de ces événements qui les transmettaient aux oreilles d’autrui, et l’audition était aussi efficace que la vue à en établir la croyance. Ceux qui n’avaient été ni témoins, ni spectateurs, ne croyaient pas moins que ceux qui l’avaient été. Et cela même n’était pas médiocrement propre à fortifier la foi. Mais voyons à présent ce qu’on leur avait raconté, et si l’on y faisait mention d’un état de choses analogue au leur. En effet, lorsque l’on a quelque chose à demander, il faut, pour obtenir l’objet de sa prière, la fonder sur une faveur pareille accordée précédemment à d’autres. Je m’explique : un serviteur, par exemple, nous demande un présent ; s’il nous fait voir qu’un autre en a déjà obtenu un semblable, c’est le plus grand droit qu’il puisse faire valoir à en obtenir autant, à moins que son exemple ne soit infirmé par certaines différences. Or, il y a différence de personnes et différence de choses. Si, en effet, celui qui a obtenu est revêtu du même caractère que celui qui demande, et que la chose demandée soit de même nature que la chose obtenue, l’exemple a de la valeur ; si celui qui a obtenu en était digne, et que celui qui demande né le soit pas autant, une plus grande supplication sera nécessaire. Ceci a besoin d’être éclairci par des passages de l’Écriture : la Chananéenne, quand elle eut entendu dire cette parole : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens », répondit : « Oui, Seigneur ; mais les chiens mangent les miettes de la table de leurs maîtres. » (Mt. 15,26-27) Et saint Paul écrivait aussi : « Si d’autres ont part à ce droit sur vous, à bien plus forte raison nous autres (1Cor. 9,12) ; » et il fortifiait ici son droit par la différence des personnes. Écrivant à Philémon, il dit encore : « Car les entrailles des saints se sont reposées grâce à toi ; mon frère ; c’est pourquoi, quelque enhardi que je sois en Jésus-Christ à te commander ce qui convient, j’aime mieux t’en conjurer par la charité. » (Phm. 1,7-8) Ici la comparaison repose sur des droits égaux. Et en effet, quand une première personne a obtenu quelque chose, c’est comme une introduction qu’elle ménage à une seconde personne, si celle-ci est revêtue du même caractère que la première, et qu’elle demande la même chose. Mais ce n’est pas seulement ce qu’on a donné aux autres qui donne de la force à notre prière, c’est souvent aussi ce que nous avons déjà reçu nous-mêmes. C’est ce dont saint Paul se prévalait lorsqu’il écrivait aux Philippiens : « Car déjà, à Thessalonique, vous m’avez envoyé une première fois, puis une seconde, ce qui m’était nécessaire. » (Phil. 4,16) Aussi beaucoup de ces personnes qui donnent à beaucoup de monde recommandent-elles de n’en rien dire