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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/386

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fait ni bâtir, ni creuser la terre, ni planter ; je leur ai au contraire livré l’ouvrage entièrement achevé. Et sa charité ne s’est pas bornée à cela, mais « j’ai attendu qu’elle produisît des raisins », et j’ai attendu avec bien de la patience le temps où elle porterait des fruits. J’ai usé de patience, ce mot : « J’ai attendu » l ; marque assez. « Elle n’a porté que des épines. » Il montre leur vie stérile, désolante et sans vertu. De quelle indulgence seront-ils donc dignes ceux qui cultives avec tant de soins ne donnent que ces fruits ? « Et maintenant, homme de Juda et habitants de Jérusalem, soyez les juges entre moi et ma vigne (3). » Il faut avoir un droit bien assuré pour établir les coupables même juges de ce qu’ils ont fait. « Et maintenant ; » je ne parle pas de choses anciennes, c’est aujourd’hui que je suis prêt à me soumettre à votre jugement, car je ne cesse de vous combler de bienfaits, et jamais vous ne remplissez vos devoirs. « Que ferai-je de plus à ma vigne ? Car j’ai attendu qu’elle produisît des raisins et elle n’a produit que des épines (4). » La construction de cette phrase peut paraître un peu obscure : aussi il faut la rendre plus claire. Voici ce qu’il veut dire : Que fallait-il faire que je n’aie pas fait ? C’est-à-dire, quel motif leur ai-je donné de pécher ainsi ? Que peuvent-ils prétexter ? Peuvent-ils prétendre qu’ils ont péché parce qu’on les oubliait en certaines choses ? « Que ferai-je de plus à ma vigne que je n’aie fait ? Ce que j’ai fait, le voilà, dit-il ; cependant je ne me contente pas du témoignage des faits ni même de celui de rua parole ; mais si je n’ai pas fait tout ce qu’il y avait à faire, je vous demande de me le dire, je vous en fais juges vous qui avez joui de ces bienfaits, vous qui en êtes témoins, vous qui les avez connus par expérience, vous qui n’êtes pas étrangers et pour qui ce ne sont pas des choses inconnues. – « Maintenant donc je vais vous annoncer ce que je ferai à ma vigne (5). » Comme il a remporté la victoire, gagné sa cause et démontré leur ingratitude, il porte maintenant sa sentence, il dit ce qu’il va faire, non simplement pour les condamner, mais pour que la crainte de ces menaces les rende plus modérés. « J’en arracherai la haie et elle sera exposée au pillage ; je détruirai sa muraille et elle sera foulée aux pieds. »
3. Je la priverai de mon aide, de mon secours, je ne leur accorderai plus ma bienveillance, et l’expérience du contraire leur apprendra de quels biens ils jouissaient autrefois ; ils le sauront, quand ils seront exposés au pillage. – « J’abandonnerai ma vigne ; elle ne sera ni taillée ni labourée (6). » Je répète qu’il se sert de la même métaphore. Cependant en cherchant avec plus de soin, on voit qu’il parle de la doctrine et des commandements. Ils ne jouiront plus des mêmes biens qu’auparavant, ils n’auront plus de docteurs, de chefs, de prophètes pour les corriger et prendre soin d’eux. Car de même que ceux qui soignent une vigne creusent, taillent, de même ceux qui dirigent les âmes menacent, effrayent, enseignent, accusent ; mais, dit-il, ils seront privés de tout cela, transportés sur une terre étrangère. « Et les ronces la couvriront comme une terre abandonnée, et je commanderai aux nuages de ne plus répandre leur pluie sur elle. » Il veut indiquer soit la désolation de la ville, soit l’abandon où ils seront eux-mêmes, où sera leur âme à chacun ; par les nuages quelques-uns entendent les prophètes qui apportent la pluie d’en haut et transmettent au peuple ce qui leur a été révélé. Mais ceux-là, dit-il, ne rempliront plus leur ministère habituel. S’il y en eut un ou deux qui les accompagnèrent dans leur exil, du moins la foule des prophètes se taisait.
« La vigne du Seigneur des armées, c’est la maison d’Israël et les hommes de Juda sont le plant qui fait ses délices. J’ai attendu qu’Israël fit des actions justes, et il a fait l’iniquité ; au lieu de la justice, il n’a produit que l’injustice criante (7). » Comme ces noms présentent des métaphores nombreuses, vignes, tours, pressoir, haie, sillon, taille de la vigne, de peur que quelqu’insensé de ce temps-là ne crût qu’il s’agît en effet d’une vigne, le Prophète a eu soin de donner à la fin l’interprétation de tout. « La vigne du Seigneur des armées c’est la maison d’Israël. » Je ne parle pas de plantes, veut-il dire, d’une créature inanimée, de pierres, de murailles, mais de notre peuple. C’est pour cela qu’il a ajouté : « Et les hommes de Juda sont le plant qui fait ses délices ; » car Juda surpassait les dix tribus ; le temple et tout ce qui servait au culte était là ; il florissait plus que le reste d’Israël, et cette tribu était plus royale et plus puissante. Il s’est servi du mot « qui fait ses délices » pour leur adresser un nouveau reproche, de ce qu’ils s’étaient montrés tels envers celui qui les aimait tant.