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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/385

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plupart des hommes ne connaissent pas même de nom le reste des saints Livres, tandis que tous ont sans cesse à la bouche et le livre des psaumes et les cantiques dont nous parions : ainsi l’expérience même nous montre combien les chants sont utiles. C’est pourquoi le Prophète dit ici : « Je chanterai à ma vigne bien-aimée le cantique de mon bien-aimé. A ma vigne bien-aimée le cantique », je chanterai au sujet de mon bien-aimé. Je chanterai pour lui, dit-il, et je prendrai pour sujet de mes chants ou lui-même ou ce qui se rapporte à lui. Comment se fait-il qu’étant sur le point d’accuser ce peuple, il l’appelle une vigne chérie et bien-aimée ? Ne vous en étonnez pas. Certes, il ne saurait débuter par une accusation plus grave que de leur reprocher de n’être pas devenus meilleurs, après avoir reçu de Dieu tant de marques d’affection. C’est ce qu’un autre prophète donne à entendre en ces termes : « J’ai trouvé Israël comme des grappes de raisin dans le désert et leurs pères comme les premières figues sur un figuier (Os. 9,10) ; » il indique par le choix de ces fruits combien ils étaient aimables et remplis de bonnes qualités, non sans doute par leur propre vertu, mais par la bonté de Dieu. Ce qu’il dit, le voici en d’autres termes : Je l’ai aimé, comme celui qui trouve une grappe de raisin dans le désert, ou une figue de prémices sur un figuier. Ces comparaisons, il est vrai, ne sont pas dignes de Dieu, mais elles sont bien appropriées à leur gourmandise. « Et pour eux, ajoute-t-il, pour eux qu’il poursuivait de tant d’amour, ils se sont détournés de lui et ont été trouvé Béelphégor. » C’est en ces termes qu’il s’adresse à ce peuple chéri et bien-aimé, montrant aux Juifs que Dieu a tout fait pour eux, sans même qu’ils eussent commencé les premiers, Dieu les ayant encore prévenus. Et loin de se montrer ensuite dignes de ce bienfait, leurs œuvres n’ont montré que leur ingratitude. « Mon bien-aimé avait une vigne plantée comme sur une corne, en un lieu fertile. » Par ce mot de vigne il montre toute sa sollicitude et ses soins pour eux.
2. Et sans s’arrêter là, il énumère tous les bienfaits dont ils les a comblés ; il commence par indiquer le choix du lieu : « Comme sur une corne, en un lieu fertile », indiquant par le second mot la nature du terrain et par le premier sa position ; c’est aussi ce que David, dans ses psaumes dit de Jérusalem : « Jérusalem est environnée de montagnes et le Seigneur est autour de son peuple. » (Ps. 124,2) il l’a fortifiée, veut-il dire, par le choix même du lieu, mais, sans se contenter de cela, il est devenu lui-même sa principale défense : il indique en effet par ce mot, comme sur une corne, que ce lieu est inexpugnable ; mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’il indique la protection divine par la métaphore dont il se sert, métaphore empruntée à la corne d’un bœuf. C’est un proverbe dont on se sert communément en parlant de ceux qui se sont réfugiés en un lieu sûr. Comme en effet le taureau est le plus fort des animaux et qu’en lui la partie la plus forte est la corne, dont il se sert comme d’une arme, beaucoup se servent de cette figure, et l’Écriture désigne souvent par κέρας μονοκέροτος, ceux qui sont en sûreté. Ces mots : « Sur une corne » signifient donc, en sûreté, en un lieu élevé : ce qui revient à ce qui est dit dans le premier chapitre : « J’ai engendré des fils et je les ai élevés. » – « En a un lieu fertile », ou comme dit Moïse, « dans une terre où coulent le lait et le miel. » (Ex. 3,8) « Je l’ai entourée d’une haie et d’une palissade. » La haie, c’est ou un rempart, ou la loi, ou la Providence ; car la loi était pour eux la plus forte des murailles. « Je l’ai entourée d’une palissade », c’est-à-dire je lui ai donné un rempart assuré ; car, comme il est souvent facile de franchir le mur d’une ville, je les ai entourés, dit-il, d’un autre moyen de défense. « Et je l’ai plantée de sorec. » Il continue sa métaphore, qu’il ne nous faut pas interpréter mot à mot, mais dont nous devons nous contenter de voir le but. Par sorec il désigne ici une vigne franche et de bonne race, dont le plant est choisi, éprouvé et d’excellente qualité, car il y a bien des sortes de vignes. « J’ai bâti une tour et fait un pressoir au milieu. »
Quelques-uns entendent par là le temple et par le pressoir le sanctuaire, parce que là étaient recueillis les fruits de la vertu de chacun, les offrandes et tous les sacrifices ; pour moi, comme je l’ai déjà dit et le répète encore, je ne m’attache qu’au but de l’allégorie. Par tous ces détails il ne veut faire entendre qu’une chose ; c’est qu’il les a comblés de tous ses bienfaits, et qu’il leur a montré, en tout, son amour. Je ne les ai pas écrasés de travaux, je ne les ai pas accablés de fatigues, je ne les ai