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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/389

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stable et comme ne devant point finir. » (Amo. 6,5) C’est la marque d’une extrême folie et d’une âme sans vigueur que de faire de sa maison un théâtre et de se livrer à de tels chants. Si l’ivresse obscurcit, la musique affaiblit la vigueur de l’esprit, elle brise la force de l’âme et la porte aux dernières iniquités.
« Ils n’ont aucun égard à l’œuvre du Seigneur et ils ne considèrent point les ouvrages de ses mains. » Il entend par là ou ses miracles ou le spectacle de la nature. Comment pourraient-ils le contempler, eux qui font du jour la nuit, et qui la nuit ressemblent à des cadavres ? Comment pourraient-ils voir le lever du soleil, l’éclatante beauté du ciel, la variété – des astres qui brillent le soir, l’ordre et la subordination qui règnent dans toute la création, eux qui ont perdu la vue extérieure et la vire intérieure ? C’est donc un grand crime qu’ils ont commis de passer leur vie sans contempler les merveilles que Dieu a produites, et de consumer leur temps dans les ténèbres de l’ivresse. « Mon peuple est devenu esclave, parce qu’il n’a pas connu le Seigneur (13). » Il parle de l’avenir comme d’un passé et il annonce le châtiment de ce crime. L’ivresse seule peut déjà tenir lien de châtiment, puisqu’elle remplit l’âme de trouble, et l’intelligence de ténèbres, qu’elle la rend captive, qu’elle lui cause mille maladies et au dedans et au-dehors. Paul savait bien que la malice seule est un châtiment ; c’est pour cela qu’il dit : « Recevant ainsi en eux-mêmes la récompense qui était due à leur égarement. » (Rom. 1,27) Mais comme leur insensibilité était portée à ce point qu’ils étaient punis et ne le sentaient pas, qu’ils étaient malades et ne le savaient pas, il ajoute la menace d’un châtiment corporel : « Mon peuple a été emmené captif, parce qu’il n’a pas connu le Seigneur. Et une foule d’hommes moururent par la faim et le manque d’eau. »
Remarquez que l’ordre même de ses menaces est un avertissement, et qu’il n’inflige pas (le suite le plus grave châtiment. Ce n’est pas la captivité qui les punit d’abord, mais la faim et la soif, afin qu’ils restent chez eux en devenant meilleurs et que leurs vices incorrigibles n’attirent pas l’armée des barbares. Mais comme ils n’ont cédé en rien et qu’ils n’ont point profité de ce délai, il leur inflige enfin le dernier châtiment. Et pourtant, avant d’en arriver là, il dépeint en termes vifs et énergiques le supplice de la faim : « L’enfer », dit-il, « a élargi son âme ; » non que l’enfer ait une âme, mais le Prophète use d’une prosopopée pour mieux menacer, il veut rendre sa parole expressive et jeter une vive crainte dans l’esprit des auditeurs. Aussi il ajoute dans le même but : « Et il a ouvert sa gueule pour ne plus la refermer », comme s’il parlait de quelque monstre et qu’il leur mit sous les yeux le châtiment qui les attendait. Et ce qu’il v a de plus grave, c’est qu’il ne se contente pas d’ouvrir la gueule, mais qu’il la tient toujours béante, sans jamais être rassasié partout ce qui y tombe. « Et tous y descendront, illustres, grands, riches, ceux qui sont la peste d’Israël (14). » – Et pour nous apprendre que ce n’est pas le cours de la nature qui amènera cet événement, mais que ce fléau viendra de Dieu, que ce châtiment sera envoyé par le ciel, le Prophète annonce qu’il atteindra les illustres, les puissants, ceux qui bouleversent tout, qui jettent la confusion dans la nation juive.
6. Il appelle la « peste » d’Israël ceux qui, loin de conserver en eux-mêmes leur méchanceté, la communiquent aux autres. Tel est en effet le caractère de la peste. Dès qu’elle est sortie d’un corps, elle se répand parmi les autres. « Et ceux qui s’y réjouissent. » Celui qui vit dans les délices et la joie, qui croit être à l’abri de tout événement, celui-là même tombera et sera captif. « L’homme sera humilié, les grands seront méprisés et les yeux dus superbes seront abaissés. Et seul, le Seigneur des armées sera glorifié par ce jugement (15, 16). » Voyez encore comme Dieu cherche leur bien. Il ne cherche pas leur ruine complète, il ne veut pas que tout le peuple périsse, mais il en laisse quelques-uns, pour que la vue du châtiment de ceux qui ont été exterminés les rende meilleurs. C’est ce qu’il donne à entendre en disant : « L’homme sera humilié », c’est-à-dire celui qui restera, qui demeurera. « Et le Seigneur des armées sera glorifié par ce jugement, et le Dieu saint sera glorifié dans la justice » il indique deux biens qui en résulteront, à savoir, que les hommes se dépouilleront de leur orgueil et deviendront meilleurs, et que Dieu sera pour tous un sujet d’admiration ; car, s’il est « exalté et glorifié », ce sera par cette punition, par ce châtiment. Que veut dire ce mot « par