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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/398

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et que je ne les guérisse (9, 10). » Tout commentaire est inutile, puisque ce passage a eu des interprètes si éminents, je veux dire, Jean, le fils du tonnerre, et Paul, qui connaissait si bien l’Ancien et le Nouveau Testament. Celui-ci, s’adressant à Rome à des personnes qui l’avaient écouté, mais qui ne pouvant supporter sa doctrine s’étaient éloignées, leur disait : « Le Saint-Esprit a bien dit : Vous entendrez et ne comprendrez pas. » (Act. 28,23, 26) Quant au fils du tonnerre, comme les Juifs – voyaient des miracles et ne croyaient pas, entendaient la doctrine et ne l’embrassaient pas, ils avaient vu Lazare ressuscité et ils voulaient, tuer le Christ qui l’avait rendu à la vie ; Jésus avait chassé les démons et ils l’appelaient possédé du démon ; il les avait offerts à son Père et ils l’appelaient séducteur ; ils adoptaient à son sujet des opinions contraires à la vérité. Jean leur rappelait cette prophétie dans les termes suivants : « Le prophète Isaïe l’a bien dit : Vous entendrez et ne comprendrez pas ; vous verrez et ne discernerez pas. » (Jn. 12,38, 40)
6. Comme en eux les yeux intérieurs de l’âme étaient aveuglés, il ne leur servait de rien d’avoir les yeux du corps ouverts, si leur jugement était corrompu. Voilà pourquoi ils entendaient sans comprendre et voyaient sans discerner ; et le Prophète en indique la cause qui résidait non dans la corruption de leurs sens, ni dans la dépravation de leur nature, mais dans l’aveuglement de leur cœur. « Le cœur de ce peuple est endurci ; » or cet endurcissement est causé par les péchés et les passions. C’est de lui que saint Paul dit : « Je ne pouvais pas vous parler comme à des hommes spirituels ; vous n’auriez pas pu supporter ce langage et vous ne le pouvez pas encore. » (1Cor. 3,1) Et il en indique la cause en ces termes : « Puisqu’il y a entre vous des procès, de la jalousie, des rivalités, « n’êtes-vous pas des hommes charnels ? » (Id. 3) Ceux-là aussi, aveuglés par la haine et l’envie, en proie à mille autres passion,-, avaient comme perdu l’œil de leur intelligence et ne pouvaient plus avoir des choses une vue claire : aussi leurs pensées, au sujet des choses qu’ils voyaient, s’éloignaient-elles de la vérité et se contredisaient-elles. Le prophète, qui connaissait parfaitement leur état, découvrit par avance la cause du mal. Mais voyez à qui sont confiées les deux prophéties ! ce sont les séraphins qui manifestent celle qui regarde l’Église et les biens promis à la terre, en disant : « Saint, saint, saint est le Seigneur des armées, toute la terre est remplie de sa gloire » quant à celle qui regarde la captivité et les châtiments des Juifs ; ils la laissent au Prophète et nous apprennent ainsi la supériorité de l’Église.
« Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? » Voyez-vous que nos conjectures étaient bien fondées, quand nous disions que le Prophète avait montré beaucoup d’empressement à obéir ? Après avoir appris des choses fort contraires à celles qu’il attendait, je veux dire des fléaux, des désastres, il veut savoir jusqu’oit ira la punition ; car il n’ose pas entreprendre de détourner d’eux toute la colère du Seigneur, parce que Dieu lui avait montré d’abord que leurs péchés ne méritaient pas de pardon. Leur crime, en effet, ce n’était ni le vol ni l’esprit de rapine, mais une désobéissance affectée, un esprit de contradiction qui s’opposait par système et de parti pris à ce que Dieu faisait. C’est ce que le Prophète indique en ces termes : « De peur que leurs yeux ne voient, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent et que je ne les guérisse. » Comme s’ils craignaient, veut-il dire, d’apprendre ce qu’il faudrait savoir, ils ont mis tous leurs soins à aveugler leur intelligence. Comme le crime était grave et la punition inévitable, le Prophète désire apprendre ce qu’il en ignore encore ; mais tout en voulant s’en instruire il supplie. Comme il n’osait pas faire voir manifestement qu’il suppliait, il imagine d’interroger sous prétexte d’apprendre : « Jusques à quand, Seigneur ? » et il dit : « Jusqu’à ce que les villes soient désertes et privées d’habitants, jusqu’à ce que les maisons n’aient plus personne qui y demeure ; et la terre sera déserte. Et ensuite Dieu bannira les hommes loin de leur pays, et ceux qui auront été laissés sur la terre se multiplieront : car il en demeurera un dixième. Et cette partie même sera frappée, et elle deviendra comme le fruit du térébinthe ou comme le gland sorti de son enveloppe, et la race qui en naîtra sera sainte (11-13). » Après cette prophétie, il revient de nouveau au récit, prédit la défaite des dix tribus, puis la patience dont Dieu, à cause de cette captivité, usera envers les deux tribus ; puis comment ces dernières seront emmenées, à leur tour parce qu’elles n’auront retiré