Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien qu’ils ne l’eussent pas encore montrée au dehors : c’est ce qui arriva par exemple lors de la guérison du paralytique. En effet, après lui avoir dit : « Mon fils, aie confiance ; tes péchés te sont remis », comme ils disaient en eux-mêmes : « Celui-ci blasphème », le Christ, avant de raffermir le paralytique, leur adresse ces paroles : « Pourquoi pensez-vous mal en vos cœurs ? » (Mt. 9,2, 3, 4) Il leur donne ainsi de sa divinité la preuve la plus grande en leur montrant qu’il connaît les pensées secrètes. « Car il est écrit, seul vous connaissez les cours. » (1R. 8,39) Et David dit encore : « Dieu qui scrute les cœurs et les reins. » (Ps. 7,10) Dieu donna souvent cette connaissance aux prophètes pour montrer que leurs paroles n’avaient rien d’humain, mais qu’elles leur venaient d’en-haut, du ciel. C’est pourquoi cet Isaïe à la grande voix, après avoir montré tant de douceur en parlant au roi, l’avoir retiré du danger, l’avoir rassuré pour le présent, et lui avoir donné pour gage de la vérité de sa prophétie la révélation des desseins formés par l’ennemi, la découverte d’une trahison, l’annonce d’une ruine entière et absolue pour Israël, la détermination précise de l’époque, Is. dis-je, sans se contenter de cela, va plus loin encore, il n’attend pas que le roi lui demande un miracle, il l’y exhorte malgré son excessive incrédulité ; bien plus, il le laisse maître du choix : il ne lui dit pas « tel ou tel miracle », mais bien « celui que tu veux. » Le Maître est riche, son pouvoir infini, sa force indicible. Le veux-tu dans le ciel, rien ne s’y oppose ; sur la terre, aucun obstacle. C’est ce que signifient ces mots « ou au fond de la terre ou au plus haut des cieux. » Comme cela même ne le décidait pas, le Prophète, loin de se taire, ajoute un blâme sévère, et cela, pour convertir le roi, pour lui montrer qu’il n’avait pas réussi à tromper, à donner le change sur ses sentiments, et il annonce un événement ineffable, il prophétise le salut de la terre et la rénovation de toutes choses, et il dit que ce signe ne sera pas pour le seul Achaz, mais pour tout le peuple.
Au commencement il adressait la parole au roi ; mais quand il eut dévoilé son indignité, il parla à tout le peuple : «  Aussi, dit-il, il donnera un signe, non pas à loi, mais à vous. » À vous, à qui donc ? A vous qui êtes dans la maison de David. C’est de là comme d’une tige que sortira ce signe. Et quel signe ? « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel. » Il faut observer, comme je l’ai dit plus haut, que ce n’est plus à Achaz qu’est donné ce signe. Ce n’est pas là une conjecture : car voyez les accusations et les blâmes du Prophète : « Est-ce peu pour vous que de lasser la patience des hommes? » et il ajoute : « C’est pourquoi le Seigneur vous donnera un signe. Voici que la vierge concevra. » Si elle n’eût pas été vierge, ce n’eût pas été un signe. Car un signe doit sortir de l’ordre habituel des choses, du cours ordinaire de la nature, avoir quelque chose d’insolite, d’étrange même, pour être remarqué par chacun de ceux qui le voient et l’entendent. C’est pour cela qu’on l’appelle signe, parce qu’il signifie. Or il ne signifierait pas, s’il restait caché dans l’ordre habituel des choses. Aussi si le Prophète avait parlé d’une femme enfantant selon le cours ordinaire de la nature, pourquoi appeler « signe » une chose qui arrive tous les jours ? Aussi il ne dit pas au commencement, voici qu’une vierge, mais « voici que la vierge », voulant marquer par l’addition de l’article que cette vierge était remarquable et seule entre toutes. Que cette addition ait bien la signification indiquée, nous pouvons le voir dans l’Évangile. Lorsqu’en effet les Juifs envoyèrent demander à Jean : « Qui es-tu ? » ils ne lui dirent pas : « Es-tu Christ », mais bien : « Es-tu le Christ ? » Ils ne dirent pas : « Tu es prophète », mais : « Es-tu le Prophète ! » (Jn. 1,19-25) C’est-à-dire le Christ, le Prophète par excellence. Saint Jean ne dit pas en commençant sors Évangile : « Au commencement était un Verbe », mais : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu. » (Jn. 1,1) De même ici, Isaïe ne dit pas : Voici qu’une vierge, mais « Voici que la vierge », et il met en tête, comme il était digne d’un prophète de le faire, « Voici que. » Ces événements en effet, il les voyait presque, il se les représentait par l’imagination, ils étaient pour lui évidents tes prophètes voyaient les événements futurs plus clairement que nous ne voyons ce qui se passe sous nos yeux. Nos sens peuvent se tromper ; la grâce de l’Esprit-Saint les éloignait de toute erreur.
6. Et pourquoi ne pas ajouter que cette conception aurait lieu par la vertu de l’Esprit-Saint ? C’était une prophétie et il fallait parler d’une manière obscure, comme je l’ai dit souvent, à cause de la grossièreté des auditeurs, de peur qu’une connaissance exacte des