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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/405

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choses ne les portât à brûler les Livres saints. S’ils n’ont pas épargné les prophètes, à plus forte raison n’eussent-ils pas épargné leurs livres. Ceci n’est pas une simple conjecture car un autre roi, du temps de Jérémie, déchire la Bible et la livre aux flammes (Jérémie, 36,23) Voyez-vous cette folie intolérable, cette colère insensée ? Il ne lui suffit pas de faire disparaître le livre, il le brûle pour satisfaire une passion délirante. Toutefois cet admirable prophète, même en restant obscur, a su tout indiquer. Une vierge, tout en restant vierge, comment peut-elle concevoir si ce n’est par la vertu de l’Esprit-Saint ? Car enfreindre les lois de la nature ne saurait appartenir qu’à celui qui les a faites. Ainsi, en disant que la vierge enfantera, le Prophète a tout dévoilé. Après cet enfantement, il prédit le nom de l’enfant, non celui qui lui fut donné, mais celui qui lui convenait. De même qu’il appelle Jérusalem ville de la justice, non pas qu’elle ait jamais porté ce nom, mais parce que toutes les choses le lui donnaient, parce qu’elle devait se changer et devenir meilleure et accomplir toute justice, de même encore qu’il l’appelle prostituée, non qu’elle ait été ainsi désignée, mais parce que sa perversité lui méritait ce nom, comme sa vertu celui de ville de justice, de même, pour le Christ, il lui donne le nom que la nature des choses indiquait. Car c’est alors que Dieu fut avec nous, lorsqu’il parut sur la terre, conversant avec les hommes, et leur montrant la plus grande affection. Ce n’est pas un ange, ce n’est pas un archange qui se fait notre compagnon, mais c’est le Maître lui-même qui descend et vient tout redresser, qui parle aux courtisanes, qui mange avec les publicains, qui entre dans les maisons des pécheurs, qui permet tus larrons de lui parler avec confiance, qui attire à lui les mages, qui va partout et réforme tout, et s’unit notre nature. Or le Prophète annonce tout et cet enfantement et les biens ineffables, immenses, qui en découlent. En effet, lorsque Dieu est avec les hommes, il n’y a plus à craindre, à trembler, mais tout nous devient rassurant : c’est ce qui nous est arrivé. Ces maux anciens et inguérissables nous ont été enlevés, cette sentence portée contre tout le genre humain a été effacée, le péché a perdu toute force et le démon toute tyrannie ; le paradis fermé à tous s’est ouvert pour la première fois à un meurtrier et à un brigand, les voûtes des cieux nous ont livré passage, l’homme s’est mêlé ; aux chœurs des anges, notre nature a été conduite jusqu’au trône du roi ; la prison de l’enfer est devenue inutile ; de la mort il n’est plus resté que le nom, la chose a disparu ; les chœurs des martyrs, des femmes ont brisé l’aiguillon de l’enfer.
C’est dans la prévision de ces événements que le Prophète tressaillait de joie et d’allégresse, et d’une parole il nous indique tout, en nous annonçant l’Emmanuel. « Il mangera le beurre et le miel ; avant de connaître ou de choisir le mal, il choisira le bien. Car avant de distinguer le bien et le mal, l’enfant s’éloignera du mal, pour rechercher le bien (15, 16). » Comme cet enfant ne devait pas être simplement un homme, ni seulement un Dieu, mais un Dieu dans un homme, c’est avec raison que le Prophète présente la chose sous plusieurs faces, tantôt sous celle-ci, tantôt sous celle-là, et parle de choses étranges, de peur que la grandeur du miracle n’empêche d’y croire. Après avoir dit que la Vierge enfantera, ce qui déjà est au-dessus de la nature, que cet enfant sera appelé Emmanuel, ce qui est au-dessus de toute attente, il veut empêcher qu’en entendant ce mot Emmanuel, on n’aille embrasser sur l’Incarnation les erreurs de Marcion et de Valentin, et il donne de l’Incarnation la meilleure preuve, il la tire du besoin de nourriture auquel sera assujetti le Dieu homme. Que dit-il en effet ? « Il mangera le beurre et le miel. » Cela ne convient pas à la divinité, mais bien à notre nature. C’est encore pour la même raison que le Verbe ne forma pas immédiatement un homme pour habiter en lui, mais qu’il se renferma dans le sein d’une femme, et cela pendant neuf mois, qu’il naquit, fut enveloppé de langes, fut nourri comme on l’est dans le premier âge, pour fermer la bouche à ceux qui essayeraient de nier l’Incarnation. Éclairé par la grâce divine, le Prophète voyait tout cela ; mais au lieu de parler seulement de cette naissance et de cet enfantement miraculeux, il parle de la nourriture que prendra l’homme-Dieu dans son premier âge, encore revêtu de ses langes, nourriture semblable à celle des autres hommes, et qui n’aura rien d’extraordinaire. En lui tout n’était pas différent de nous, mais tout n’y était pas semblable. Naître d’une femme, c’est notre condition ; d’une vierge, c’est au-dessus de notre nature. Prendre de la nourriture