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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/408

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même qui combat contre les Juifs. Il appelle rasoir sa colère devant laquelle rien ne peut résister, que personne ne peut soutenir, qui s’avance et ruine tout sans éprouver la moindre difficulté. De même que les cheveux ne peuvent supporter le tranchant du rasoir, mais qu’ils cèdent et tombent aussitôt, de même les Juifs ne pourront nullement résister à la colère de Dieu.
9. Ce rasoir enivré désigne donc la colère d’un Dieu plein de fureur, prêt à se venger, une sentence qui va s’exécuter. « Au-delà du fleuve du roi des Assyriens », c’est-à-dire au-delà de l’Euphrate, comme était la Judée et toute la Palestine par rapport à ceux qui viennent de la Perse. Tout cela, dit-il, sera détruit entièrement. Par ces mots tête, cheveux, barbe, pieds, il désigne tout le pays sous une métaphore empruntée du corps humain, et il embrasse dans ces paroles la contrée tout entière, comme il l’a fait au commencement lorsqu’il disait : « Toute tête est languissante et tout cœur abattu. Des pieds jusqu’à la tête, il n’y a rien d’intact en lui (Is. 1,5-6) ; » là il parlait non d’un homme, mais de tout le pays qu’il comparait à un seul corps. C’est encore ce qu’il veut dire ici, savoir que toute la terre aura à subir un châtiment exemplaire. Il emprunte d’un côté ses images à un rasoir, de l’autre côté au corps humain, pour montrer que l’arrêt porté par Dieu produira un effet plus terrible que le rasoir, qu’il fera disparaître les hommes et tout ce que porte la terre, pour la laisser déserte et inhabitée. Il se sert encore d’une autre image pour exprimer cette désolation. Il le fait pour que la crainte grandisse toujours et reste, et pour éviter que la terreur ne diminue par suite d’un si long discours. Il semble à quelques-uns que ces paroles renferment la promesse de certains biens ; mais un examen plus profond fait voir qu’il n’y a que la description d’une désolation extrême. Que dit-il en effet ? « En ce temps-là un homme nourrira une vache et deux brebis, et à cause de l’abondance de leur lait, il se nourrira de beurre ; car tous ceux qui auront été laissés sur la terre mangeront le beurre et le miel (21, 22). »
Cela indique, comme je l’ai dit plus haut, une grande solitude. En effet, la terre qui produit du blé et de l’orge, étant dépourvue d’habitants fournira aux animaux une nourriture abondante et si abondante que deux brebis et une vache s’en nourrissant donneront à leur possesseur des fontaines de lait. Ainsi l’abondance de vivres pour les animaux est une marque évidente que les hommes auront disparu. Et voici ce qu’indique le miel ; les abeilles aiment ordinairement à habiter dans les lieux déserts parce qu’elles y trouvent une nourriture abondante et que personne ne les trouble. Et pour mieux vous convaincre que le Prophète parle d’une solitude extrême, voyez la suite : « Et en ce temps, dans les lieux où l’on avait vendu mille pieds de vigne mille sicles, il ne croîtra que des ronces et des épines. On n’entrera qu’avec l’arc et les flèches, parce que les ronces et les épines couvriront toute la terre (23-24). » C’est la marque d’un grand malheur quand non seulement les montagnes et les forêts, mais la terre arable elle-même et celle qui n’attend que la culture produit des ronces. Ce n’est pas sans raison qu’il a parlé du prix des vignes, c’est pour nous montrer la fertilité de la terre et les soins des cultivateurs. Eh bien ! dit-il, même ces lieux si fertiles, si dignes des soins des laboureurs seront tellement abandonnés qu’ils produiront au lieu de vignes des épines, et causeront à ceux qui les aborderont tant de terreur que nul n’osera y entrer sans défense et sans armes. Ces paroles marquent combien le lieu sera désert et comme les bêtes féroces y habiteront. Après avoir porté le trouble dans les âmes et jeté la crainte dans les cœurs, le Prophète s’adoucit un peu, pour annoncer aussi des événements heureux, la prospérité qui suivra, et faire comprendre par l’une comme par l’autre situation la puissance de Dieu. Mais il insiste suc les choses effrayantes et ne fait qu’effleurer les heureuses. Pourquoi cela ? Parce que c’était surtout par là réprimande que le peuple avait besoin d’être traité à ce moment : aussi après avoir administré sans ménagement ce remède, voulant laisser respirer quelque peu les auditeurs et les exciter encore par là à la vertu, il annonce des événements heureux en disant : « Toute montagne sera cultivée par la charrue. » De même en effet que, pendant la colère de Dieu, même la terre arable a été abandonnée, de même quand il sera apaisé, la terre dure deviendra comme la terre meuble, et comme elle, sera labourée et ensemencée. Quand ces choses arriveront, leurs conséquences se produiront aussi, la paix, l’abondance, la confiance, la sécurité, en un mot, l’état d’autrefois, «