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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/411

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il la rendit enceinte. Et lorsque cette femme eut mis au monde un fils, il lui donne un nom étrange, extraordinaire, un nom prophétique. Que dit-il en effet ? « Appelle-le, hâtez-vous de prendre les dépouilles et de partager le butin », afin que si l’on récuse le livre, du moins le nom même de l’enfant, nom prophétique, imposé bien avant la réalisation des événements, et depuis lors toujours en usage, fasse taire même les plus audacieux. Il sera évident que le Prophète ne l’a pas forgé après coup, mais qu’il avait prévu dès longtemps ces événements, et ceux même qui s’étudient à méconnaître les soins dont ils sont l’objet seront forcés de croire, puisque, même avant les événements, ils auront vu l’enfant porter ce nom, et par suite annoncer sans cesse les malheurs à venir.
Ensuite il précise le sens de la prophétie en indiquant avec exactitude l’époque de ces infortunes – « Car avant que l’enfant sache nommer son père et sa mère, on emportera la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie devant le roi des Assyriens. » Voici ce qu’il veut dire : à l’époque où son âge sera bien peu avancé, où il ne pourra parler encore, la victoire sera remportée, les trophées seront élevés, non que cet enfant puisse lui-même ranger l’armée et vaincre les ennemis, mais dans ce temps, c’est-à-dire avant que l’enfant puisse parler ; tout sera livré aux ennemis. « Le Seigneur me parla encore et me dit : Parce que ce peuple a rejeté les eaux de Siloë qui coulent doucement et qu’il a mieux aimé avoir pour roi Basin et le fils de Romélie, le Seigneur fera fondre sur lui le roi des a Assyriens, comme les grandes et violentes eaux d’un fleuve (5-7) »
Dieu, le plus souvent, n’annonce pas seulement le châtiment, mais il en indique la cause pour l’instruction des auditeurs ; c’est ce qu’il fait également ici. Après avoir parlé du pillage exercé par des étrangers et de l’invasion des barbares, il indique quelle est la cause de cette guerre. Quelle est-elle ? L’ingratitude des habitants de la ville. Comme ils avaient, dit-il, un roi doux, facile, humain, et qu’ils s’en sont séparés pour appeler des tyrans, pour essayer de passer sous une domination étrangère, parce qu’ils étaient fatigués de leur bonheur, eh bien ! j’accomplirai surabondamment leur désir, en amenant au milieu d’eux un homme barbare et cruel. Il emploie des expressions métaphoriques pour dépeindre le caractère du roi indigène et la puissance du roi barbare ; il en agit ainsi, comme je l’ai déjà dit, pour donner à sa parole plus de force et d’expression. C’est pour cela qu’il dit : « Parce que ce peuple a rejeté les eaux de Siloë », passage où il n’entend pas parler de l’eau, mais où, pour faire comprendre le caractère doux et humain du roi, il le compare au courant toujours tranquille de cette source aux eaux paisibles et sans bruit, et il désigne le roi par le mot de Siloë, cause de sa douceur et de sa modération : grande leçon pour les sujets qui, n’ayant à supporter qu’un joug léger, voulaient se soulever et se donner à des rois étrangers. Puisqu’ils ne veulent pas, dit-il, d’un roi doux et humain, mais qu’ils demandent Basin et le fils de Romélie, je leur enverrai le roi de Babylone ; et la violence de son armée, il la rend par l’image d’un fleuve aux eaux abondantes et impétueuses.
3. Puis, interprétant sa métaphore, il dit : « Le roi des Assyriens. » Voyez-vous combien est certain ce que j’ai dit plus haut, que partout l’Écriture donnait elle-même la clef des métaphores qu’elle employait ? C’est ce qu’elle fait encore ici. Elle a parlé d’un fleuve, mais, sans continuer sa métaphore, elle dit quel fleuve, « le roi des Assyriens, avec toute sa gloire. Il descendra dans toutes vos vallées et il entourera tous vos murs. Et il enlèvera de la Judée tous ceux qui peuvent lever la tête ou faire quelque chose. Et son armée sera si nombreuse qu’elle couvrira toute votre contrée. » Pour montrer que tout cela arrivera, non par la vertu de l’homme, mais à cause de la colère de Dieu, il ne le représente pas comme un ennemi qui a besoin de combattre en bataille rangée, mais comme un homme qui vient enlever un butin tout préparé. Il ne se tiendra pas sous les armes, il ne se mettra pas, dit le Prophète, en ordre de bataille ; mais cette multitude couvrira la face de la terre et vaincra facilement. Puis, même au milieu de la colère, il y a encore de la clémence. Dieu ne menace pas les Juifs de la ruine de leur capitale, il leur annonce seulement l’exil et la captivité, voulant que le châtiment de ceux qui seront enlevés corrige ceux qui resteront. « Il enlèvera de la Judée tous ceux qui peuvent lever la tête. » Tous les puissants, veut-il dire, ceux qui pillent et emportent tout, ceux qui sont les fléaux du