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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/419

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mêler les mystères de Dieu aux mystères des démons. Mais il y a des hommes si insensés que, même revêtus des apparences de la sagesse, même avancés en âge, ils ne craignent pas de déserter l’Église pour ces lieux, sans égard à nos paroles, sans respect pour leur propre extérieur. Si nous venons à leur alléguer cette considération, à les exhorter au respect de leurs cheveux blancs et de la sagesse, quelle est leur sotte et ridicule réponse ? Ces spectacles, disent-ils, offrent l’image de la victoire et des couronnes de la vie future, et nous en retirons la plus grande utilité. – Que dis-tu là, mon ami ? Ce n’est qu’une vieillerie spécieuse et funeste. D’où pourrait provenir cette utilité ? De tant de querelles, de tant de serments prodigués à la légère pour le malheur de ceux qui les prononcent, ou bien de ces injures, de ces invectives, de ces quolibets dont les spectateurs de ces jeux s’éclaboussent mutuellement ? Mais ce n’est point de ces choses-là : c’est donc de ces cris désordonnés, de ces éclats de voix inarticulés, de ces nuages de poussière, de cette cohue, de ces violences, de ces minauderies à l’adresse des femmes, c’est de là que tu retires de l’utilité ? Ici c’est le Maître des anges lui-même qui nous est montré par tous nos prophètes et nos instituteurs assis sur un trône élevé et sublime, et distribuant à ceux qui en sont dignes les prix et les couronnes, à ceux qui en sont indignes assignant en partage la géhenne et le feu ; c’est le Seigneur lui-même qui nous en assure. Eh bien ! tu ne tiens nul compte de tout cela ; tu ne tiens compte ni des alarmes de la conscience, ni de la révélation de tes crimes, ni des angoisses du jugement, ni de l’irrévocable sévérité de la punition ; et pour parer ta curiosité d’un absurde prétexte, tu prétends trouver un profit là où tu encours un irréparable dommage ? Ah ! je vous en prie, je vous en conjure, ne cherchons point d’excuses à nos péchés ce sont là des faux-fuyants, des subterfuges qui ne peuvent que causer notre malheur. – Mais en voilà assez sur ce sujet : il est temps de revenir maintenant à notre première exhortation, et de la conclure en quelques mots, afin de terminer ce propos comme il convient. En effet ce n’est pas seulement l’indiscipline qui règne en ce lieu, c’est encore une autre maladie pernicieuse. En quoi consiste-t-elle ? En ce que, venus ici pour converser avec Dieu, et pour lui adresser nos hommages, nous l’oublions pour prendre à part notre voisin, pour régler nos affaires, pour causer des affaires de la place publique, de celles de l’État, du théâtre, de l’armée, dire comment telle chose a été conduite, comment telle autre a été négligée, ce qui excède la mesure, ce qui reste en deçà ; en un mot, pour nous entretenir ici de toutes nos affaires, soit publiques, soit privées. – Et comment excuser une pareille conduite ? S’il nous arrive d’avoir audience d’un des rois de la terre, nous lui parlons seulement des choses dont il veut nous entretenir et au sujet desquelles il nous interroge : et quiconque oserait entamer une autre matière sans y être autorisé encourrait le plus terrible châtiment : et vous, quand vous abordez le Roi des rois, celui que les anges ne servent qu’en tremblant, vous interrompez votre dialogue avec lui, pour parler de boue, de poussière, de toiles d’araignée ? Car voilà justement les affaires d’ici-bas. Et comment porterez-vous la peine de ce mépris ? Et qui vous sauvera du châtiment réservé à une faute pareille ?
Mais, dira-t-on, les affaires vont mal, l’État de même et c’est pour nous un grand sujet d’entretiens et de discussions. Et quel en est le motif ? L’incapacité de ceux qui nous gouvernent, répondra-t-on ? Non, ce n’est point l’incapacité de ceux qui gouvernent, ce sont nos fautes, c’est le châtiment mérité par nos prévarications. Voilà ce qui a tout bouleversé, voilà ce qui a causé tous nos maux, voilà ce qui a armé nos ennemis, voilà ce qui a provoqué notre défaite. Si l’essaim des tribulations s’est répandu sur nous, la seule raison est celle que je viens de dire. En sorte que, eussions-nous à notre tête un Abraham, un Moïse, un David, un Salomon, le plus sage des hommes, fissions-nous gouvernés par le plus juste des mortels, si nous nous conduisons mal, c’est tout un quant au principe des maux qui nous accablent. Comment, de quelle façon ? En effet, avons-nous pour chef un transgresseur des lois, un homme sans prudence et sans esprit de conduite : c’est que notre imprudence à nous et notre indiscipline nous ont valu un pareil guide, c’est que nous avons mérité par nos fautes d’être ainsi frappés. – C’est là, en effet, ce qu’il faut entendre par l’expression, avoir des chefs selon son cœur : cela signifie qu’en expiation de nos fautes antérieures nous sommes tombés sous la direction d’un pareil