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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/420

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maître, que ce soit un prêtre, ou un homme préposé aux affaires du monde. Mais fût-il un juste dans toute la force du terme, fût-il en justice l’égal de Moïse lui-même, son équité personnelle n’aura pas le pouvoir de voiler les innombrables excès de ses subordonnés. Et c’est ce dont on peut juger parfaitement par l’exemple de Moïse, de cet homme qui souffrit tant d’épreuves pour Israël, qui adressa pour ce peuple tant de supplications à Dieu, afin qu’il le mît en possession de la terre promise mais attendu qu’Israël par ses propres infractions avait détourné de lui l’effet de cette promesse, la prière de Moïse ne put obtenir de Dieu l’abrogation du juste arrêt prononcé contre ce peuple qui, tout entier, fut terrassé dans le désert. Et cependant qui fut plus juste que Moïse ? Qui put parler à Dieu, plus librement ? Sans doute on dit que la prière du juste est puissante, mais c’est quand elle est rendue efficace, c’est-à-dire corroborée par le repentir et la conversion de ceux qu’elle concerne. Quant à ceux qui sont incorrigibles et incapables de conversion, comment pourrait-elle leur venir en aide, quand eux-mêmes y mettent opposition par leur conduite ?
5. Et pourquoi rappeler ce qui arrive d’un peuple abandonné tout entier au crime, quand on voit la faute d’un petit nombre de sujets, souvent même d’un seul, prévaloir sur le crédit des justes qui gouvernent ? – Et c’est ce que montre encore l’exemple d’Israël, qui, dirigé par Moïse, ne fut pas plus tôt arrivé sur la terre étrangère, et n’eut pas plutôt engagé le combat, que quelques-uns d’entre eux s’éprirent d’une folle passion pour les femmes de ce peuple ennemi, et appelèrent par là surtout le peuple la fameuse calamité qui causa sa perte.
Pour la faute d’un seul homme le châtiment fut pareil : souvenez-vous d’Achar, qui dépouilla l’offrande de la robe brodée, et par là enflamma la colère de Dieu contre le peuple. Mais peut-être quelques-uns des assistants ignorent les détails de cette histoire. Il faut donc la résumer en peu de mots, afin de la rappeler à ceux qui la connaissent, et de l’apprendre à ceux qui l’ignorent. Achar donc, cet Achar dont je parle, était un de ceux qui passèrent le Jourdain avec Jésus, fils de Navé, ce Jésus qu’un arrêt de Dieu élut comme successeur de Moïse, ce Jésus qui présentait une image, une figure de notre vrai Sauveur Jésus-Christ. En effet, de même que le fils de Navé fit passer le peuple, en traversant avec lui le Jourdain, du désert dans la terre de promesse, ainsi notre Sauveur, du désert de l’ignorance et de l’idolâtrie, nous a transportés par la voie sainte et salutaire du baptême dans la Jérusalem céleste, vers la mère des premiers-nés, aux lieux où sont préparées les stations de l’éternel repos, aux lieux où règne une paix que ne trouble aucune discorde. Jésus donc après avoir fait passer le peuple avec le secours de Celui qui lui donnait ses ordres, Jésus arriva sous les murs de Jéricho. Il s’occupait de ce siège d’une espèce nouvelle, et déjà les remparts allaient tomber, quand il s’adresse à son peuple ; en quels termes ? « Cette ville sera une offrande, avec tout ce qu’elle renferme, pour le Seigneur Sabaoth, à l’exception de Raab la prostituée ; n’y touchez pas. – Abstenez-vous donc de l’offrande, de peur que vous n’ayez l’idée d’en rien dérober, et que vous ne causiez notre ruine. » Il veut dire que tout ce qui est dans la ville est consacré : car c’est ce qu’il entend par offrande. – Que personne, par conséquent, ne dérobe rien de ce qui est réservé au Seigneur Dieu, et par là, ne nous efface du nombre des vivants. La prescription était d’une exécution difficile, elle supposait une attention bien vigilante, et chez Dieu qui donnait cet ordre, et chez Jésus qui l’érigeait en loi. En effet, comment était-il possible qu’entre tant d’hommes cette loi ne rencontrât pas un infracteur, et cela, quand il y avait tant de motifs pour la transgresser ? – L’irréflexion du peuple, sa convoitise, l’ignorance même où quelques-uns pouvaient être à l’égard de l’édit, la richesse des dépouilles exposées comme un appât à leurs regards, pour tenter la cupidité, tout était de nature à les pousser à l’infraction. Néanmoins la loi fut promulguée, et le péril attaché à l’infraction fut suspendu sur les têtes. Qu’arriva-t-il après cela ? Les remparts tombèrent, et tout ce qui était dans la ville devint la proie des assiégeants. Ainsi, bien que tout le peuple observât fidèlement cet édit, il suffit de l’infraction d’un seul pour allumer contre tout le monde la colère de Dieu. « Les fils d’Israël », dit l’Écriture, « commirent un grand péché, ils dérobèrent, ils touchèrent à l’offrande, et Achar fils de Charmi toucha à l’offrande, et le Seigneur fut enflammé de courroux contre les fils d’Israël. » (Jos. 7,1) Et cependant il