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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/425

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servent à rien ? Si tu n’avais sous les yeux qu’un simple titre, ne tiendrais-tu pas, dis-moi, à t’arrêter, et à te rendre compte du trésor mis à ta disposition ? Mais pourquoi parler des époques, des noms, des titres ? Apprenez quelle est l’importance d’une seule lettre ajoutée, et cessez de mépriser les noms tout entiers. Abraham, notre patriarche (car il nous appartient plutôt qu’aux Juifs), s’appelait d’abord Abram, c’est-à-dire, en notre langue, voyageur. Dans la suite, désigné par le nom nouveau d’Abraham, il devint le père de toutes les nations, et l’addition d’une seule lettre suffit pour procurer à ce juste une pareille domination. De même que les rois donnent à leurs délégués des tablettes d’or, symbole de leurs fonctions, ainsi Dieu en cette occasion donna à ce juste une lettre, comme symbole de sa dignité.
3. Mais je reviendrai une autre fois sur les noms : il est nécessaire de dire aujourd’hui quelle est l’utilité de la connaissance des temps, et combien on perd à les ignorer. Pour le prouver, je me servirai d’abord d’exemples mondains. Les testaments, les actes relatifs aux mariages, aux obligations, aux autres contrats, faute d’être datés en tête des noms des consuls, perdent toute vertu propre. Voilà ce qui en fait la force, voilà ce qui prévient les contestations, voilà ce qui dispense des procès, et réconcilie ensemble les ennemis. C’est pourquoi ceux qui les rédigent, comme on place une lampe sur un support, ont ' soin de graver en tête de leur écrit les noms des consuls, afin de jeter par là du jour sur – tout ce qui est plus bas. Oter cela, c’est ôter la lumière : aussitôt tout se remplit de ténèbres et de confusion. Voilà pourquoi toute donation faite ou reçue, tout acte conclu soit avec des amis, soit avec des ennemis, avec des serviteurs, avec des tuteurs, avec des intendants, a besoin de cette garantie, et nous ne manquons pas même de noter plus bas le mois, l’année, le jour. Si dans les affaires temporelles le temps a une si grande importance, cette importance est encore bien plus grande et plus considérable dans l’ordre spirituel. C’est ce qui montre que les – prophéties sont des prophéties : qu’est-ce en effet qu’une prophétie, sinon une prédiction de ce qui doit arriver ? Par conséquent, quiconque ignore l’époque de la prédiction ou celle qui l’a vue se réaliser, sera dans l’impossibilité de démontrer aux chicaneurs le caractère de la prophétie. Telle est l’origine des combats victorieux que nous soutenons contre les païens, lorsque nous leur montrons l’antiquité de nos traditions par rapport aux leurs : c’est là-dessus encore que se fondent nos controverses avec les Juifs ; avec les Juifs, ces malheureux, ces infortunés, que l’ignorance des temps a précipités dans la plus grande des erreurs. En effet, s’ils avaient entendu le patriarche dire « Il ne manquera pas de princes sortis de Juda, ni de chefs issus de sa race, jusqu’à la venue de celui qui doit être envoyé (Gen. 49,10) », et s’ils avaient fait bien attention aux temps de la venue, on ne les aurait pas vus quitter le Christ pour l’Antéchrist : ce que le Christ lui-même leur a fait entendre en disant : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez pas reçu : si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. » (Jn. 5,43) Voyez-vous quelle erreur produite par l’ignorance des temps ? Gardez-vous donc de négliger un si grand avantage. De même que dans les champs les bornes et les poteaux ne permettent pas de confondre les domaines, ainsi les temps et les époques ne permettent pas aux faits de se mêler les uns aux autres : ils les distinguent, assignent à chacun sa place, et par là nous épargnent bien des embarras. Il importe donc de vous dire ce que c’était que cet Ozias, à quelle époque il a régné, et sur quels hommes, et, combien dura son règne, et comment il finit ses jours : mais plutôt il importe de s’arrêter ici. Car il faudrait s’embarquer dans un véritable océan de récits. Or, pour se hasarder sur une mer pareille, il faut s’assurer que les matelots ne sont point fatigués, mais dispos, et alors seulement se mettre en route. Si des ports et des îles sont semés sur toute la surface de la mer, c’est pour que pilote et nautonier se délassent, l’un en déposant la rame, l’autre en se dessaisissant du gouvernail ; si des hôtelleries et des auberges sont disposées d’endroit en endroit sur les routes, c’est afin que les bêtes de somme et les voyageurs se reposent de leurs fatigues ; et de même, s’il y a pour le silence un temps marqué à la parole d’instruction, c’est pour que nous ne nous épuisions pas nous-mêmes à force de parler, et que nous ne vous devenions pas importuns. Salomon connaissait bien cette limite, lui qui a dit : « Il y a un