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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/427

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où nous vous convions. Un riche amphitryon, si ses hôtes lui viennent tout rassasiés, peut bien, par la magnificence de ses apprêts, réveiller leur appétit : mais la table du pauvre ne paraît jamais si bien servie, que lorsque les convives, appelés à y prendre place arrivent affamés. Qu’est-ce donc qu’Ozias, de quels parents était-il issu, de quels hommes était-il roi, combien régna-t-il de temps, que fit-il de bien, quelles fautes commit-il, comment se termina sa vie ? Nous allons vous dire tout cela, au plutôt tout ce qu’il est possible de vous dire sans encombrer votre mémoire ; ainsi qu’il arrive quelquefois pour les lampes, si vous versez goutte à goutte l’huile sur la mèche, vous donnez au feu une nourriture suffisante ; mais si vous la répandez d’un coup, bien loin de là, vous éteignez ce qu’il restait de lumière. Cet Ozias donc descendait de David et était roi des Juifs, il régna cinquante-deux ans. Estimé d’abord, il tomba ensuite dans le péché, égaré par une folle présomption, il usurpa les fonctions du sacerdoce.
Voilà les funestes effets de la présomption ; elle porte l’homme à se méconnaître lui-même et finit, après bien des peines, par épuiser tout le trésor de la vertu. Les autres maux proviennent en nous de notre négligence, nous contractons celui-là en faisant le bien. Car il n’est rien qui produise aussi habituellement la présomption qu’une bonne conscience, si nous n’y prenons pas garde. Voilà pourquoi le Christ, sachant que cette maladie s’empare de nous à la suite des bonnes œuvres, disait à ses disciples : « Lorsque vous aurez tout fait, dites : « Nous sommes des serviteurs inutiles. » (Lc. 17,10) Lorsque cette bête féroce va pénétrer en vous, entend-il par là ; prononcez ces paroles pour lui fermer la porte. Il ne dit pas, lorsque vous aurez tout fait vous serez encore inutiles, mais bien : «-Dites que vous êtes inutiles. » Dis-le, né crains rien, ce n’est point d’après ton jugement que je porte mon arrêt. Si tu t’appelles toi-même inutile, moi je te couronne comme utile. C’est ainsi qu’il dit ailleurs encore : « Dis le premier tes prévarications, afin que tu sois justifié. » (Is. 43,36) En effet, devant les tribunaux humains, l’accusation suivie d’un aveu a pour conséquence la mort ; devant le divin tribunal, au contraire, après l’accusation la couronne. C’est pourquoi Salomon aussi disait : « Ne te justifie pas devant le Seigneur. » (Sir. 7) Mais Ozias n’entendit rien de tout cela, il entra dans le temple, il voulut brûler l’encens, et l’opposition du prêtre ne l’arrêta point. Et Dieu, que fit-il alors ? Il lui envoya une lèpre au visage, punissant par là ce front impudent, et montrant au coupable que le jugement venait de Dieu et que ce n’était point à des hommes qu’il s’était attaqué. Voilà l’histoire d’Ozias. Mais il faut que nous la reprenions de plus haut. Si j’ai commencé par vous en raconter en abrégé, tous les événements, c’est pour que, en entendant le récit de l’Écriture, vous le suiviez scrupuleusement. Prêtez donc attention : « Ozias », est-il écrit, « fit le bien devant le Seigneur. » (2 Paral. 26,4) Voilà un grand témoignage rendu à sa vertu, non seulement il faisait le bien, mais encore il le faisait devant le Seigneur ; ce n’était point pour frapper la vue des hommes, comme faisaient chez les Juifs ceux qui préludaient à l’aumône en sonnant de la trompette, ceux qui, dans les jeûnes, rendaient leur visage méconnaissable, ceux qui faisaient leurs prières dans les carrefours : hommes véritablement bien malheureux, puisqu’ils subissaient les épreuves et n’en recueillaient aucune récompense.
2. Que fais-tu, mon ami ? Il y a un Maître à qui tu dois rendre compte de tes actes, et c’est un autre que tu prends à témoin de ta conduite ? Tu as un juge et ce n’est pas lui que tu appelles comme spectateur ? Ne vois-tu pas ce que font les cochers qui, sous les yeux de la ville entière assemblée sur les hauteurs, disputent le prix à la course des chars ? Il leur suffit d’abord – de parcourir tout le stade, côte à côte avec leurs adversaires, et ils ne s’efforcent de renverser les chars de ces derniers, que parvenus à l’endroit où ils voient siéger le monarque. Les regards d’un seul ont plus de prix à leurs yeux que tous les regards de la foule. Et toi qui vois le roi des anges même présider en personne aux courses où tu disputes le prix, tu le négliges pour courir t’offrir à la vue de tes compagnons d’esclavage ? C’est pour cela qu’après tant de luttes tu reviens sans couronne, qu’après tant de sueurs tu retournes les mains vides devant l’arbitre du combat. Tel n’était pas Ozias : c’est en présente du Seigneur qu’il faisait le bien.
Comment donc un homme qui remplissait exactement ses devoirs en vint-il à faillir et à tomber ? C’est ce qui m’étonne et m’embarrasse moi-même ; ou plutôt il n’y a pas à peut-