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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/429

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chez l’un la confiance, chez l’autre le désespoir ?
3. Ozias n’entendit rien de cela : aussi la confiance lui fit-elle faire une chute grave et irréparable. Car toute chute ne nous occasionne point pareille blessure : parmi les péchés les uns tombent seulement sous la condamnation, les autres sont punis du plus terrible châtiment. Paul blâmant ceux qui n’attendaient pas leurs frères dans les repas communs, s’exprime ainsi : « En dénonçant cela, je ne le loue point. » (1Cor. 11,17) Voilà une faute qui reste dans les limites de la condamnation, et n’est punie que du blâme. Mais quand il parle de la fornication, son langage est différent : écoutez plutôt : « Si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le frappera. » (1Cor. 3,17) Il ne s’agit plus ici de blâme, ni de condamnation, mais du plus terrible châtiment. Salomon aussi connaît cette différence entre les péchés : compare-t-il le vol avec l’adultère, voici à peu près comment il parle : « Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un homme soit surpris volant, car il vole, afin de rassasier sa faim ; mais l’adultère par manque « de sagesse cause la perte de son âme. » (Prov. 6,30, 32) Péché d’un côté, péché de l’autre, veut-il dire, mais l’un plus grand, l’autre moindre : car l’un des coupables a l’excuse de la pauvreté, l’autre n’a rien à alléguer pour sa défense. Pourtant, dira-t-on ; l’adultère aussi peut objecter la voix impérieuse des appétits naturels. Mais la femme qui lui est échue en partage ne laisse pas échapper ce coupable : elle est là, et sa présence lui interdit toute justification. En effet si le mariage et ses douceurs sont autorisées par la loi, c’est afin qu’il ne reste plus au mari aucun recours de ce genre. Si une femme lui a été donnée pour alliée, c’est afin qu’elle apaise en lui les fureurs de la nature, afin qu’elle calme en son cœur les orages de la passion. De même donc qu’un pilote qui fait naufrage au port ne saurait obtenir aucune indulgence : ainsi l’homme garanti par le mariage, s’il vient, après cela, à s’introduire frauduleusement dans le ménage d’autrui, ou même à regarder curieusement une femme quelconque, ne saurait trouver aucune justification, ni devant les hommes, ni devant Dieu, quand bien même il alléguerait à mille reprises les plaisirs de la nature. Mais plutôt, quel plaisir pourrait-il y avoir, là où sont les craintes, les angoisses, les dangers, et tant d’effroyables alarmes, où sont les jugements, les procès, la colère d’un juge, le glaive, le bourreau, le gouffre, le supplice ? Tout l’effraye, tout l’épouvante, ce coupable : les ombres, les murs, les pierres elles-mêmes qui semblent prendre une voix, tout le monde excite sa défiance et ses soupçons : serviteurs, voisins, amis, ennemis, ceux qui savent tout, ceux qui ne savent rien. Que dis-je ? laissons de côté si tu le veux, tout cela ; admettons que le crime reste ignoré, que le coupable seul et sa complice le connaissent : comment supporteras-tu les reproches de ta conscience, cet accusateur importun que tu promènes en tous lieux ? Il n’est pas plus facile à l’homme de se fuir lui-même, que d’échapper au jugement de ce tribunal. Ce tribunal, on ne le corrompt point à prix d’argent, on ne le réduit point par des flatteries : car il est divin, et c’est Dieu qui l’a installé dans nos âmes. Oui, « l’adultère par manque de sagesse cause la perte de son âme. »
Ce n’est pas que le voleur soit exempté du châtiment : il est puni, mais avec moins de rigueur. En effet les comparaisons ne rangent pas nécessairement les termes comparés dans deux catégories opposées ; laissant chacun à sa place, elles attribuent à l’un plus, à l’autre moins. Peut-être n’avez-vous pas compris ce que je viens de dire : il faut donc m’exprimer plus clairement. Le mariage est une bonne chose, la virginité vaut mieux : de ce que la virginité vaut mieux, il ne s’ensuit pas que le mariage soit mauvais : il est inférieur, mais bon encore. De même ici : c’est un mal de voler, un moindre mal que l’autre, un mal pourtant. Voyez-vous la différence des péchés ? Examinons donc de quel genre fut le péché d’Ozias. « Son cœur s’enfla », dit l’Écriture. Fâcheuse blessure : car c’est de la présomption, et la présomption est la source de tous les maux. Mais afin que vous compreniez en gros la gravité de cette maladie, écoutez ceci. Les autres péchés sont confinés dans la sphère de notre nature ; mais l’orgueil a entraîné une puissance incorporelle, et l’a précipitée d’en haut. Le diable n’a pas toujours été diable c’est l’orgueil qui l’a fait diable. Si nous invoquions ici le témoignage d’Isaïe qui parle, de lui en ces termes : « Je monterai dans le ciel, et je serai semblable au Très-Haut (Is. 14,14) », ceux qui répugnent aux allégories,