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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/430

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s’inscriraient en faux contre notre témoin mais si à ses côtés nous plaçons Paul avec le rôle d’accusateur, personne désormais ne nous contredira. Or, que dit Paul écrivant à Timothée ? Qu’il ne faut pas élever à la haute dignité de l’épiscopat celui qui vient d’être initié à l’Évangile ; et voici ses expressions « Que ce ne soit pas un néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil, il ne tombe dans la condamnation et dans les pièges du diable (1Tim. 3,6) : » de peur, veut-il faire entendre, que coupable du même péché que le diable, il n’ait le même sort.
4. Et ce n’est pas la seule preuve que nous puissions alléguer : une autre se tire du conseil que donna au premier de tous les hommes ce méchant démon. En effet, de même que es bons ont pour usage de donnera leur prochain des conseils propres à le rendre bon lui-même ; ainsi c’est l’usage des méchants de prêcher aux autres les pratiques par lesquelles eux-mêmes sont devenus méchants. Cela même est encore une espèce de méchanceté : ils trouvent une consolation de leur propre châtiment dans la perte d’autrui. Qu’est-ce donc que le conseil donné à Adam par le diable ? C’est d’élever ses pensées au-dessus de sa propre nature et d’espérer se rendre égal à Dieu. Il se disait : si cela m’a précipité du ciel, à bien plus forte raison la même chose chassera-t-elle celui-ci du paradis. De là aussi ces paroles de Salomon : « Dieu résiste aux superbes. » (Prov. 3,34 ; 1Pi. 5,5 ; et Jac. 4,6) Il ne dit pas, Dieu renvoie les superbes, les abandonne, les prive de son appui, il dit : « Dieu leur résiste ; » ce n’est pas que Dieu ait besoin de résistance et de lutte vis-à-vis des superbes. Quoi de plus faible, en effet, qu’un superbe ? Comme celui qui a perdu la vue est exposé aux mauvais traitements de tout le monde, ainsi le superbe, celui qui ne connaît pas le Seigneur, (il est écrit : « Le principe de la superbe, c’est de ne pas connaître le Seigneur) [Sir. 10,14] ; » le superbe, dis-je, est à la merci des hommes eux-mêmes, une fois qu’il est privé de cette lumière. D’ailleurs, quand même il serait fort, Dieu n’aurait pas besoin d’entrer en lutte avec lui : celui à qui sa volonté a suffi pour tout produire, n’a pas besoin d’autre chose, à bien plus forte raison, pour tout anéantir. Pourquoi donc ces mots : « Dieu a résiste » ? C’est afin de montrer la violence de sa haine contre le superbe. C’est donc une terrible plaie que celle de l’orgueil : en voilà une preuve, et il y en a d’autres.
Mais si vous le voulez, nous chercherons aussi ailleurs pour en trouver la cause, pour découvrir l’origine de cette plaie. C’est l’usage de l’Écriture, lorsqu’il s’agit d’accuser quelqu’un, de ne pas se borner à faire connaître sa faute, mais de nous instruire en même temps du motif qui le conduisit à pécher : si elle se comporte ainsi, c’est afin de garantir la santé de ceux qui sont bien portants contre la chance de pareilles chutes. Ainsi font les médecins qui visitent des malades : avant même d’examiner le mal, ils en recherchent la source, afin de réprimer le mal dans son principe : n’est-ce point perdre sa peine que de se borner à couper les rejetons, quand on laisse subsister la racine ? En quel endroit donc l’Écriture indique-t-elle à la fois le péché et la cause du péché ? Elle accuse les hommes d’avant le déluge au sujet de leurs unions illicites : écoutez maintenant comment elle énonce la cause : « Les fils de Dieu ayant vu que les filles des hommes étaient belles, les prirent pour femmes. » (Gen. 6,2) Qu’est-ce à dire ? la beauté, principe du péché ? A Dieu ne plaise ! La beauté est un ouvrage de la sagesse divine : or un ouvrage divin ne saurait devenir principe de vie. Mais c’est donc la vue ? Non plus : car la vue aussi est un ouvrage de la nature. Qu’est-ce donc ? Ce sont les regards coupables : car ceci est le fait d’une volonté dépravée. C’est aussi pour cette raison qu’un sage nous conseille de « ne pas considérer la beauté d’autrui. » (Sir. 9,8) Il ne dit point, ne pas voir : car cela peut arriver par un effet du hasard : il dit, « ne pas considérer », proscrivant par là la contemplation de propos délibéré, la curiosité, l’attention coupable, ce qui trahit une âme dépravée et livrée à la concupiscence. Et quel mal, dira-t-on, peut-il en résulter ? C’est que par là, répond le sage, l’amour s’allume comme un feu. Car ainsi que le feu, s’il vient à prendre dans le fourrage ou dans la paille, ne tarde point, une fois en possession d’une matière, à produire un vaste incendie : ainsi le feu de la concupiscence qui est en nous, une fois qu’il est entré en communication par l’organe de la vue avec les charmes et l’éclat de la beauté, a bientôt fait d’embraser l’âme tout entière : En conséquence, au lieu de considérer le plaisir fugitif que la vue procure, songe à la douleur durable qui naît