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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/433

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est plus grande ; montrez-moi que sa population est aussi avide d’instruction que la nôtre. Sodome avait des tours et Abraham habitait une simple tente ; néanmoins les anges voyageurs passèrent à côté de Sodome et vinrent loger sous la tente. Ce qu’ils cherchaient, en effet, ce n’était point un séjour magnifique, c’était une âme vertueuse et belle. En vain Jean habitait un désert et Hérode une ville : il ne résulta de là qu’une chose ; c’est que le désert devint plus illustre que la ville. Pourquoi cela ? Parce que ce n’était point dans la ville que retentissait la prophétie.
Si j’insiste là-dessus, c’est pour que nous ne vantions jamais une ville à cause d’avantages passagers. Que vient-on me parler d’édifices et de colonnes ? Tout cela s’écroule avec la vie. Entrez dans le temple de Jésus-Christ et vous verrez la vraie splendeur de la cité ; vous verrez les pauvres rester là, depuis le milieu de la nuit jusqu’à l’aurore, sans que le tyrannique besoin du sommeil, ni les nécessités de l’indigence déterminent personne à sortir ; vous y verrez les veillées sacrées joindre le jour et la nuit. C’est par là que notre ville est grande et vraiment la métropole de l’univers ? Combien d’évêques et de docteurs arrivent ici qui, devenus tout à coup vos disciples, s’en retournent chez eux avec le désir d’y transplanter ce qu’ils vous ont vu pratiquer ! Venir me parler d’honneurs, de richesses, c’est louer dans un arbre ses feuilles et non ses fruits. Si je parle ainsi ; ce n’est pas pour flatter vos charités, mais pour rendre hommage à vos vertus. Je suis heureux à cause de vous, vous l’êtes à cause de vous-mêmes. « Bienheureux celui qui parle à des oreilles qui l’entendent ! » (Sir. 25,9) C’est l’origine de mon bonheur, à moi a Bienheureux ceux qui ont faim et soif a de la justice ! » (Mt. 5,6) Vous voyez bien que vous ne devez le vôtre qu’à vous-mêmes. Bienheureux, en effet, l’homme épris des discours spirituels ! Voilà ce qui nous distingue des brutes. Ce n’est pas la forme du corps, la nourriture, la boisson, l’habitation, le genre (le vie : toutes ces choses nous sont communes avec les animaux. En quoi donc l’homme diffère-t-il des bêtes ? Par la raison et la parole. Voilà pourquoi l’on définit l’homme un animal raisonnable et doué de parole. L’âme, aussi bien que le corps, a besoin d’une nourriture. Pour le corps, la nourriture est le pain ; pour l’âme, c’est la parole. Si vous voyiez un homme manger une pierre, lui donneriez-vous encore le nom d’homme ? De même, quand vous voyez un homme se nourrir, non de parole mais de brutalité, dites : Celui-là aussi a perdu la dignité d’homme, car c’est parles aliments dont il se nourrit que l’homme manifeste sa dignité. Aujourd’hui donc que l’assistance est en nombre, que la mer se retrouve paisible après tant d’orages, que la tempête qui soulevait les flots est calmée, mettons notre barque en mer : la langue nous servira de voile ; la grâce de l’Esprit, si elle se rend à notre prière, sera pour nous le zéphyr ; la croix sera la barre et le gouvernail. La mer a des ondes salées, ici c’est une eau vive. Là sont des animaux muets et sans raison, ici des âmes raisonnables ; là-bas les navigateurs se reposent à terre des fatigues de l’Océan ; ici c’est la terre qu’on traverse et le port est au ciel. Là sont des esquifs, ici des discours spirituels ; là des planches réunies pour former le navire, ici une charpente de paroles. Là-bas la voile, ici la langue ; le souffle du zéphyr là-bas, ici la visite de l’Esprit ; là un homme est pilote, ici c’est le Christ. Aussi le navire peut bien être harcelé par la tempête, mais il ne saurait périr. Il pourrait aussi naviguer dans le calme, si le pilote le voulait ; mais il ne le permet pas, afin que vous soyez témoins de la patience des navigateurs, et que vous vous rendiez un juste compte de l’intelligence du pilote.
2. Païens et Juifs, écoutez le récit de nos victoires et jugez de la prééminence de l’Église d’ennemis ont attaqué l’Église sans en triompher ? Combien de tyrans ? Combien de généreux ? Combien d’empereurs ? Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, en dépit de leurs titres et de leur puissance, lui ont fait la plus cruelle guerre, quand elle ne faisait que de naître, et n’ont pu néanmoins la déraciner ; ils sont tombés dans le silence et dans l’oubli, tandis que l’Église persécutée élève son front au-dessus des nues. Ne considérez pas, en effet, que l’Église réside sur la terre : en réalité, sa vie est au ciel. Qu’est-ce qui le prouve ? Les faits eux-mêmes. – Les onze disciples eurent à soutenir les attaques de l’univers entier : ils en triomphèrent, et leurs ennemis furent exterminés : les agneaux furent vainqueurs des loups. Voyez-vous ce berger qui envoie ses brebis au milieu des loups, de telle sorte que la fuite même ne puisse les sauver ? Mais quel est le berger qui agit ainsi ?