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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/436

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souffrent pour leur perte, et vous ne savez rien endurer pour votre salut ? Vous êtes un athlète, un soldat. Mais qu’est-ce enfin que cet Ozias, et pourquoi le Prophète parle-t-il ici de sa mort ? Cet Ozias était un roi, un homme juste, tout paré de bonnes œuvres : mais il finit par tomber dans la présomption, cette mère des maux, dans l’orgueil, cette source de troubles, dans l’arrogance, qui fut la perte du diable. Rien de pire que l’orgueil : voilà pourquoi nous avons consacré à ce sujet tout notre entretien d’hier, abattant l’orgueil, prêchant l’humilité.
4. Vous dirai-je quel bien c’est que l’humilité, quel mal que l’orgueil ? Un pécheur eut l’avantage sur un juste (je veux parler du publicain et du pharisien) : de simples paroles l’emportèrent sur des actions. Comment cela ? Le publicain disait. « Dieu, soyez-moi propice à moi qui suis un pécheur. » Le Pharisien disait : « Je ne suis pas comme les autres hommes, un larron, un avare. » Et puis ? « Je jeûne deux fois la semaine, je paye la dîme de tout ce que je possède. » (Lc. 18,13, 11, 12) Le pharisien produisit des actes de justice ; le publicain proféra des paroles d’humilité, et les paroles passèrent avant les actions : tout ce trésor s’en alla en fumée, toute cette pauvreté fut convertie en richesse. Ils étaient venus comme deux vaisseaux chargés qui entrent au port. Le publicain sut aborder comme il faut ; le pharisien fit naufrage, afin que vous sachiez quel mal c’est que l’orgueil. Vous êtes juste ? N’humiliez pas votre frère. Vous êtes paré de bonnes œuvres ? Gardez-vous d’injurier le prochain, et de diminuer par là les louanges qui vous sont dues. Plus vous êtes grands, plus vous devez vous rabaisser vous-mêmes. Écoute bien mes paroles, mon cher auditeur. Le juste doit redouter l’orgueil, plus que le pécheur : je l’ai dit hier, et je le répète aujourd’hui à cause de ceux qui étaient absents l’autre jour : la raison en est que le pécheur est nécessairement humilié dans sa conscience, tandis que le juste est fier de ses bonnes œuvres. Voyez encore les vaisseaux : les navigateurs dont l’esquif est vide ne craignent point l’attaque des pirates, lesquels se soucient peu de couler un vaisseau sans cargaison. Ceux qui les redoutent sont ceux dont le navire est chargé : car le pirate vient là, où est l’or, où est l’argent, où sont les pierres précieuses. De même le diable ne persécute pas habituellement le pécheur, mais le juste, chez qui il trouve d’abondantes richesses. Puisque l’orgueil est souvent un fruit de la malice du diable, il faut rester maîtres de nous-mêmes. Plus vous êtes grands, plus il faut vous abaisser. Quand vous montez sur une hauteur, vous êtes obligés de prendre des précautions, pour ne pas tomber. Voilà pourquoi Notre-Seigneur a dit : « Quand vous aurez tout fait, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles. » (Lc. 17,10)
D’où te vient ta présomption, homme, parent de la terre, semblable à la cendre et par ta nature, et par tes pensées, et par tes actions ? Aujourd’hui riche, demain pauvre ; aujourd’hui bien portant, demain malade ; joyeux aujourd’hui, triste demain : aujourd’hui dans la gloire, demain dans l’opprobre : aujourd’hui jeune, vieux demain. Y a-t-il rien de stable dans les choses humaines ? ne passent-elles point comme le courant d’un fleuve ? Elles paraissent, et plus vite qu’une ombre, nous abandonnent. D’où te vient ta présomption, homme qui n’es que fumée, vanité ? « L’homme a été fait à l’image de la vanité. » (Ps. 143,4) « Ses jours sont comme le foin. » (Ps. 102,15) « Le foin s’est desséché, et sa fleur est tombée. » (Is. 40,8)
Si je parle ainsi, ce n’est point pour ravaler notre essence, mais pour brider notre orgueil. C’est une grande chose qu’un homme, c’est une chose de prix qu’un homme compatissant. Mais cet Ozias qui était roi et avait le front ceint du diadème, finit par s’enorgueillir de ce qu’il était juste : emporté par une folle présomption, il entra dans le temple. Et que dit-il ? « Il entra dans le saint des saints et dit : « Je veux offrir l’encens. » R. il usurpe le sacerdoce. Je veux offrir l’encens, dit-il, parce que je suis juste. Reste, je te prie, dans ton domaine : autre est celui de la royauté, autre celui du sacerdoce : et le sacerdoce surpasse la royauté. En effet, cette royauté-là ne se manifeste point par des signes apparents ; ce n’est point aux pierres précieuses attachées à son vêtement, ni aux objets d’or qui le parent que se reconnaît celui qui en est investi. Tandis que le roi proprement dit a pour mission de gouverner les choses de la terre, le sacerdoce tient son droit d’en haut : « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel. » (Mt. 16,19) Le roi est chargé des choses d’ici-bas, moi, des fonctions célestes : Quand je dis moi ; entendez le prêtre. Gardez-vous donc