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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/44

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alors qu’ils chantaient et qu’ils disaient : « Vous nous avez livrés entre les mains d’ennemis impies, acharnés, apostats, et au pouvoir d’un roi injuste et le plus pervers de tonte la terre. » (Dan. 3,32) Et encore : « Nous avons été rendus plus petits que toutes les nations, et nous sommes humiliés entre tous sur la terre. » (Id. 37) Le Psalmiste énonce la même idée, et ce qu’il dit revient à ceci : Nous sommes devenus vils entre tous, parce que vous nous avez retiré votre Providence ; et nos malheurs ne se sont pas arrêtés là ; nous sommes devenus la pâture de nos ennemis, qui nous ont déchirés suivant leur caprice. Car c’est le sens de ces mots : « Ils nous dépouillaient à loisir », c’est-à-dire sans que personne les en empêchât. « Vous nous avez livrés comme des brebis destinées à être mangées et vous nous avez dispersés parmi les nations (12). » Une autre version donne : « Vous nous avez vannés. » Que veut dire « Comme des brebis destinées à être mangées ? » Cela signifie : Parce que vous nous avez rendus très-faciles à saisir, et que vous avez montré notre peu de valeur. Car il y a aussi des brebis destinées à être conservées, ce sont celles qui sont propres à reproduire l’espèce ; mais les autres, soit par vieillesse, soit par stérilité, ne sont bonnes qu’à être mangées. Mais ce qui était encore plus affligeant, c’était d’avoir été dispersés parmi les nations ; cela était pour eux plus insupportable que tout le reste, parce que chez ces peuples ils ne pouvaient observer exactement la loi, et qu’ils étaient déshérités de leurs usages paternels. Et ce n’est pas chez une seule nation, mais partout, vous donne à entendre le Prophète, et nous ne sommes plus préparés qu’à une chose, à subir de mauvais traitements ; quant à nous venger ou à lever nos bras contre ces hommes, nous ne le pouvons même pas. C’est là le sens de cette comparaison prise des brebis. « Vous avez cédé votre peuple pour rien (13). » Ou suivant une autre version : « Pour une rétribution peu considérable. » Et une autre : « Sans rétribution considérable. Et il n’y a point eu de somme importante payée lors de notre échange. » Un autre interprète traduit : « Et vous ne les avez pas mis à un prix élevé. » Dans tous les cas voici le sens ; car le texte paraît ici fort obscur, mais prêtez attention, afin de chanter ce verset avec intelligence. Que signifie-t-il donc ? Il exprime l’abjection et la nullité où ils étaient tombés. Vous nous avez abandonnés comme si nous n’avions aucune valeur, comme des gens vils et méprisables. Et le Psalmiste parle ainsi d’après les habitudes humaines. Car c’est la coutume parmi nous, de donner, même pour rien, ce qui n’a aucun prix, aucune valeur ; mais les choses dont nous faisons grand cas, si nous les vendons, ce n’est que fort citer ; quant aux objets auxquels nous n’attachons pas beaucoup de prix, nous en faisons encore cadeau. Ainsi, les serviteurs infidèles, on les vend pour la moitié de leur prix, et d’autres fois on les cède pour rien. Et si la cession à bas prix prouve le peu de valeur de l’objet vendu, à plus forte raison, lorsqu’on n’en demande même aucun prix, lorsqu’on le cède pour rien. C’est donc comme si le Psalmiste disait : Semblable à un homme qui se déferait de ce qui lui appartient et qui n’en demanderait nul prix, ainsi vous nous avez abandonnés comme si nous étions sans valeur, vous nous avez grandement méprisés. C’est encore le sens des paroles qui suivent : « Et il n’y a pas eu de somme importante payée lors de notre échange ; » c’est-à-dire, quand nous avons été achetés. C’est pourquoi une autre version porte : « Lors de notre estimation ; » ce qui signifie, de notre vente. Car le paiement est un échange ; il arrive maintes fois que lorsque nous donnons un serviteur, nous recevons de l’argent ou de l’or.
14. « Vous avez fait de nous l’objet des insultes de nos voisins, la moquerie et la risée de ceux qui nous entourent. » Suivant une autre traduction : « le jouet de ceux qui nous entourent. »
15. « Vous avez fait de nous la fable des nations. » Ce châtiment est pénible, intolérable, surtout de se voir injurié par des impies, d’avoir à endurer ce traitement de la part d’ennemis, d’avoir tout autour de soi des gens qui vous insultent, d’être environné de tous côtés par ceux qui vous outragent. Et que veut dire être la fable ? C’est être le texte de leurs récits, l’objet de leurs affronts. Oui, car ceux qui les entouraient étaient des gens tarés, sans cœur, qui non contents de ne pas, les plaindre, les accablaient d’outrages, et c’est là ce qui était le plus cuisant pour les Juifs. Je crois que le Prophète veut parler ici des Arabes, un des peuples qui habitaient dans le voisinage. « Vous avez fait de nous l’objet de mouvements