Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Par la même raison, l’effigie d’un monarque, au moment où elle vient d’être exposée, où elle a encore toute la fraîcheur de son coloris, nous frappe d’une admiration qui cesse après un jour ou cieux. Et pourquoi parler du portrait d’un roi, quand nous éprouvons la même chose à l’égard des rayons du soleil, le plus radieux de tous les corps. Ainsi il n’y a pas de corps pour lequel l’admiration ne se refroidisse par l’habitude : il n’en est pas ainsi pour la gloire de Dieu : tout au contraire. Plus les célestes puissances passent de temps à contempler cette gloire, plus leur admiration augmente et redouble : aussi depuis qu’elles existent jusqu’à ce jour, elles ne se sont pas encore lassées devant cet objet perpétuel de leur contemplation, de manifester leur admiration par des cris : ce que nous éprouvons durant un moment à la vue d’un éclair qui nous éblouit, elles le ressentent continuellement, et ne cessent d’éprouver une stupeur mêlée d’allégresse. En effet, elles ne se bornent pas à, crier, elles se crient l’une à l’autre, ce qui atteste une extrême admiration. De même, quand la foudre éclate, ou que la terre tremble, non seulement nous nous levons comme en sursaut, en poussant des cris, mais encore nous parcourons toute notre, maison pour chercher un refuge les uns auprès des autres. C’est ce que font les séraphins : et voilà pourquoi ils se crient l’un à l’autre : « Saint, saint, saint ! »
3. Reconnaissez-vous ce langage ? Est-ce le nôtre ou celui des séraphins ? C’est le nôtre et c’est celui des séraphins, car le Christ a levé la cloison qui séparait les deux mondes ; il a fait régner la paix sur la terre et dans les cieux ; il a fait des deux choses une seule. D’abord cet hymne n’était chanté que dans le ciel ; mais quand le Seigneur eut daigné descendre sur la terre, il nous a initiés à cette mélodie. Voilà pourquoi ce grand Pontife, quand il se tient debout à cette table sainte pour offrir le culte raisonnable avec la victime non sanglante, ne se contente pas de nous inviter à pousser cette acclamation : il commence par nommer les chérubins, par faire mention des séraphins, puis il nous exhorte à unir nos voix dans ce cri plein d’une sainte horreur : en nous faisant connaître ceux qui chantent avec nous, il élève notre pensée au-dessus de la terre ; on dirait qu’il crie à chacun de nous : tu chantes avec les séraphins, tiens-toi debout avec les séraphins, avec eux déploie les ailes, avec eux voltige autour du trône royal.
Faut-il s’étonner de vous voir dans la compagnie des séraphins, quand Dieu vous permet de toucher impunément des choses dont les séraphins n’osent affronter le contact ? « Un des séraphins me fut envoyé », dit notre Prophète, et il avait « un charbon allumé qu’il avait pris avec la pince sur l’autel. » (Is. 6,6) Cet autel est l’image et le symbole de celui que vous avez sous les yeux ; ce feu représente le feu spirituel. Les séraphins n’avaient osé le saisir qu’au moyen d’une pince, et toi tu ne crains pas d’y porter la main ! Si vous considérez la grandeur des objets, vous comprendrez que les séraphins même n’aient pas été dignes d’y toucher ; mais si vous vous représentez la bonté du Seigneur, vous concevrez comment ces objets sublimes peuvent descendre sans honte au niveau de notre bassesse. Homme, songe à cela, réfléchis à la magnificence du présent qui t’est fait ; lève-toi, détache-toi de la terre et remonte au ciel. Mais le corps t’entraîne et te tire en bas ? Mais ne vois-tu pas le jeûne accourir à ton aide, le jeûne qui allège les ailes de l’âme, allège le fardeau de la chair, eût-il affaire à un corps plus lourd que le plomb. Mais le jeûne attendra que nous trouvions l’occasion d’en parler. Nous avons à nous occuper aujourd’hui des mystères, en vue desquels le jeûne lui-même est institué. Car, ainsi qu’aux jeux d’Olympie, la couronne est au bout des combats ; de même, au bout du jeûne est la pure communion, de sorte gîte si nous ne savons pas acquérir ce mérite durant notre vie terrestre, après bien des épreuves inutiles et perdues, nous quitterons la carrière sans palme et sans couronne.
Si nos pères ont étendu cette carrière du jeûne, en nous fixant un temps spécial pour la pénitence, c’est afin que nous ne prenions place au festin que purifiés et délivrés de nos souillures. Et c’est pourquoi moi-même aujourd’hui, j’élève la voix pour vous prier, vous conjurer, vous supplier de ne pas approcher de cette table sainte avec une tache, avec une mauvaise conscience, sans cela il n’y aurait pas pour nous de profit, il n’y aurait pas de communion, quand nous porterions mille fois à nos lèvres ce corps sacré ; il n’y aurait que condamnation, supplice et surcroît de châtiment. Ainsi donc, loin d’ici tout pécheur mais que dis-je ? en disant tout pécheur,