Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/447

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je m’exclus tout le premier du divin banquet. Non, mais loin d’ici quiconque persiste dans son péché. Si je vous avertis dès ce jour, c’est afin que dans le temps des festins royaux et de la veillée sainte, personne ne vienne me dire qu’il a omis de se munir et de prendre ses précautions avant de venir ici et qu’il aurait fallu le prévenir plus tôt ; que s’il avait été averti à temps, il se serait complètement converti et purifié avant de venir. Afin qu’on ne puisse pas recourir à ces excuses, je vous conjure et vous supplie dès maintenant de faire une éclatante pénitence. Je : ais que nul d’entre nous n’est à l’abri du reproche, que nul ne saurait se glorifier d’avoir un cœur pur ; mais ce qui est effrayant, ce n’est point de n’avoir pas le cœur pur ; c’est, ne l’ayant pas, de n’aller point trouver celui qui peut le purifier. Il le peut, s’il le veut, ou plutôt, il tient bien plus que nous encore, à ce que notre cœur soit pur ; mais il attend que nous lui fournissions une occasion, quelle qu’elle soit, afin de pouvoir nous couronner avec assurance. Quel plus grand pécheur y eut-il jamais que le publicain ? Cependant il n’eut qu’à dire : « Seigneur soyez-moi propice, à moi qui suis un pécheur (Lc. 18,13) », et il descendit du temple mieux justifié que le pharisien. Quelle vertu y avait-il donc dans ces paroles ? Dans les paroles, aucune ; la vertu résidait tout entière dans la ferveur avec laquelle elles furent prononcées ; ou plutôt elle n’était point seulement dans cette ferveur, mais avant tout dans la bonté de Dieu.
4. Eh ! quel mérite, dites-moi, quel effort, quelle peine y a-t-il pour le pécheur à reconnaître qu’il est pécheur et à le dire à Dieu ? Voyez-vous combien j’avais raison de dire que Dieu nous demande seulement de lui fournir une occasion, et qu’il contribue pour tout le reste à l’œuvre de notre salut ? Faisons donc pénitence, pleurons, lamentons-nous. Un père qui a perdu sa fille passe quelquefois la plus grande partie de son existence dans les larmes et les gémissements : nous, c’est notre âme que nous avons perdue, et nous ne pleurons pas ? C’est notre salut qui a fui de nos mains, et nous ne nous frappons pas la poitrine ? Et que dis-je, notre âme, notre salut ? Nous avons irrité notre Maître, un maître si doux, si bon, et nous ne nous cachons pas sous la terre ? Pourtant ce n’est pas seulement le meilleur des maîtres ; sa sollicitude à notre égard surpasse celle du père le plus tendre, de la mère la plus dévouée à ses enfants. « Est-ce qu’une femme oubliera son enfant, au point de n’avoir pas pitié du fruit de ses entrailles ? Et quand bien même la femme oublierait, moi, du moins, je ne t’oublierai pas, dit le Seigneur. » (Is. 49,15) Voilà une déclaration qui peut se passer de preuves : car elle vient de Dieu. Néanmoins voyons les faits, et cherchons-y la démonstration de cette vérité.
Quand Rébecca engagea son fils à jouer la scène qui devait détourner sur lui la bénédiction paternelle, après l’avoir bien travesti et revêtu des apparences de son frère, voyant que cela ne suffisait pas pour le rassurer, et voulant dissiper ses dernières alarmes : « Sur « moi retombe ta malédiction », dit-elle, « mon « enfant. » (Gen. 27,13) Le mot est bien d’une mère, d’une mère passionnée pour son enfant. Mais le Christ a fait plus que de dire cette parole, il l’a réalisée : il ne s’est pas borné à une promesse, il a agi. Et Paul nous crie : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous. » (Gal. 3,13) Et voilà celui que nous irriterons, dites-moi ? Mais n’est-ce point chose plus redoutable que l’enfer lui-même, que le ver impérissable, que le feu inextinguible ?
Ainsi donc, au moment de vous approcher de la sainte fable, songez que le Roi de l’univers est là présent : il est là, en effet, scrutant la pensée de chacun ; il voit quel est celui qui vient dans les saintes dispositions requises, celui dont, au contraire, la conscience est chargée de fautes, l’âme impure et souillée, la conduite criminelle. Quand il trouve un homme en pareil état, tout d’abord il le livre au tribunal de sa conscience : ensuite, si ce juge, par le supplice moral qu’il lui inflige, réussit à le rendre meilleur, Dieu s’approche de nouveau. Que si le coupable demeure incorrigible, il tombe alors entre les mains du Seigneur, comme un ingrat incapable d’amendement. Jugez de l’étendue d’un pareil malheur par ces paroles de Paul : « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant. » (Héb. 10,31) Je sais que mes paroles sont cruelles : mais que faire ? Si nous reculions devant l’amertume des remèdes, les blessures resteraient incurables : si nous recourons à ces remèdes amers, vous ne pouvez résister à l’excès de la souffrance. Je me sens gêné de toutes parts. D’ailleurs il faut cesser l’opération : car ce que j’ai dit est suffisant pour la correction