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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/456

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de prendre ces deux caractères, à la volonté de ceux qui en ont la disposition ; la pauvreté, par exemple, qui tantôt sert au blasphème, tantôt aux bonnes paroles et à la sagesse. Mais il ne manque pas d’hommes déraisonnables (il faut bien arriver à notre explication), qui, au lieu de réserver le nom de maux aux maux qui ne sauraient changer de nature, l’appliquent en outre à certaines choses indifférentes, comme la pauvreté, la captivité, la servitude, que nous avons exclues du nombre des maux et rangées dans une catégorie mixte. Beaucoup, dis-je, appellent maux des choses qui n’en sont pas. Eh bien ! le Prophète parle justement ici de ces prétendus maux qui ne sont tels qu’aux yeux du vulgaire, la captivité, la servitude, la famine, et autres choses pareilles.
Pour montrer que ces choses-là, loin d’être des maux, sont au contraire susceptibles de nous délivrer des maux véritables, prenons d’abord l’exemple de la famine, de cette épreuve qui inspire tant de crainte et de terreur. Écoutez comment ce n’est point un mal, et recevez une leçon de sagesse. Quand le peuple hébreu se fut précipité dans les derniers excès, alors Élie, ce grand homme, destiné au ciel, voulant guérir la maladie du relâchement et en délivrer sa patrie, dit : « Vive le Seigneur, devant lequel je suis ! il n’y aura pas de pluie, sinon sur une parole de moi. » (2Sa. 7, 1) – Et celui qui ne possédait qu’une peau de mouton ferma le ciel ; tel était son crédit auprès de Dieu. Voyez-vous bien que la pauvreté n’est pas un mal ? Sans cela, le plus pauvre des hommes n’aurait pas pu, sans quitter la terre, manifester un pareil pouvoir. – En prononçant ces paroles, il appela la famine, comme un excellent maître, capable d’apporter remède aux maux dont on était affligé. Et comme il arrive pour un corps saisi par une fièvre violente, les veines de la terre se desséchèrent, les torrents se tarissent, les plantes moururent, les flancs de la terre cessèrent de produire. Et ce ne fut pas un médiocre bienfait pour le peuple qui fut ainsi guéri de son entraînement vers le crime, qui revint à la modération, à la retenue, à la docilité, vis-à-vis du Prophète. Ces hommes qui couraient aux pieds des idoles, qui sacrifiaient leurs fils aux démons, virent tuer en grand nombre les prêtres de Baal, sans colère, sans chagrin ; ils endurèrent tout en silence et avec tremblement, parce que la disette les avait corrigés.
6. Vous le voyez : loin d’être un mal, la famine peut guérir les maux, et servir de remède contre les infirmités. Voulez-vous maintenant vous convaincre que la captivité elle-même n’est point un mal ? Représentez-vous quels étaient les Juifs avant la captivité, et ce qu’ils furent une fois captifs, et vous verrez que ni la liberté n’est absolument un bien, ni la servitude absolument un mal. Quand les Juifs étaient en liberté et qu’ils habitaient leur patrie, ils se conduisaient de manière à s’attirer chaque jour les accusations de leurs prophètes, témoins de la violation des lois, des égarements de l’idolâtrie, de la transgression des divins commandements : mais une fois transportés sur la terre étrangère, une fois relégués en pays barbare, ils se reconnurent, s’amendèrent, revinrent au respect de la loi, comme le montre un psaume qu’il faut que je vous cite, afin de vous mettre sous les yeux le fruit de la captivité. – Voyons donc ce psaume : « Nous nous sommes assis sur le bord des fleuves de Babylone : et là nous avons pleuré en nous souvenant de Sion. Nous avons suspendu nos instruments de musique aux saules qui sont au milieu de Babylone. Car là ceux qui nous avaient emmenés captifs, nous demandaient de chanter des cantiques, disant : « Chantez-nous quelqu’un des cantiques de Sion. Comment chanter un cantique du Seigneur dans une terre étrangère ? » (Psa. 136, 1-5)
Voyez-vous comment la captivité les avait fait rentrer en eux-mêmes ? Auparavant, quand les prophètes leur répétaient de ne pas enfreindre la loi, ils ne voulaient pas les écouter : une fois captifs, quand les barbares les opprimaient, quand leurs maîtres leur faisaient violence, et voulaient les forcer à pécher, ils refusaient de leur obéir, ils disaient : Nous ne chanterons pas le cantique du Seigneur sur une terre étrangère, parce que la loi nous l’a défendu. Considérez encore les trois enfants : loin de leur causer aucun dommage, la captivité ne fit qu’ajouter à leur gloire. De même pour Daniel. Et Joseph ? Quel mal eut-il à endurer, étranger, esclave, prisonnier ? Ne fut-ce pas là justement le principe de son élévation ? Au contraire, cette femme barbare qui vivait dans l’opulence, le luxe, et la liberté, quel fruit lui revint-il de tous ces avantages ? Ne fut-elle pas la plus malheureuse des créatures, faute d’avoir voulu en user comme il faut ? – Nous avons