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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/457

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donc bien établi quels sont les maux, les biens, les choses indifférentes : et aussi que le Prophète a en vue ces dernières, c’est-à-dire des maux prétendus qui ne sont pas tels en réalité, la captivité, la servitude, l’exil. Pourquoi il tient ce langage, c’est ce qu’il est nécessaire de dire à présent.
Dieu étant bon, prompt à la miséricorde, lent à frapper et à punir, afin de ne pas livrer les Juifs aux supplices, leur envoya des prophètes, chargés de les effrayer par des menaces, afin qu’il n’eût pas à sévir, comme il fit aussi à l’égard des Ninivites. Il menaça aussi de détruire Ninive, non pour la détruire, mais pour n’avoir point à la détruire : et c’est, en effet, ce qui arriva. Telle fut sa conduite en ces nouvelles conjonctures : il envoya des prophètes, pour menacer les Juifs d’invasions barbares, de guerres, de captivité, de servitude, de supplices, d’exil. Pareil à un tendre père qui pour corriger un fils indocile ou nonchalant, va chercher une courroie, montre des cordes, en disant : Je t’attacherai, je te fouetterai, je te tuerai, et se montre terrible en paroles afin de guérir ainsi les défauts de ce jeune homme ainsi Dieu ne cessait de menacer, afin de corriger les Juifs par la crainte. Le diable voyant cela et voulant mettre obstacle à l’amendement que devaient produire ces menaces, envoya de faux prophètes : et tandis que les prophètes menaçaient le peuple de captivité, de servitude, de famine, ces émissaires tenaient un langage tout contraire, promettant paix, abondance, prospérités de tout genre. Aussi les prophètes les accusaient-ils en disant : « Paix, paix : et où est la paix ? » (Jer. 6, 14) Tous les hommes instruits connaissent cette histoire et possèdent à fond toute cette lutte des prophètes contre les faux prophètes qui endormaient la vigilance du peuple. Voyant que ces discours engendraient parmi son peuple le relâchement et la corruption, Dieu dit alors par la bouche de ses prophètes : « Je suis le Dieu « qui fait la paix et qui crée les maux. » Quels maux ? Ces maux dont il était question, la captivité, la servitude, et autres de ce genre : mais non pas la fornication, l’incontinence, la convoitise, ni rien de pareil. En conséquence, l’autre prophète, en disant : « Y a-t-il dans la ville un mal que le Seigneur n’ait pas fait? » a justement en vue ce genre de maux, la disette, la maladie, les fléaux envoyés du ciel. De même encore le Christ, en disant. « À chaque jour suffit son mal (Mat. 6, 34), » veut parler des fatigues, des prières, des souffrances.
7. Voici donc le sens des paroles du Prophète : Que les faux prophètes ne vous jettent point dans le relâchement. Dieu peut vous donner la paix et vous précipiter dans la captivité : c’est ce que signifie « faisant la paix et créant les maux. » Et pour mieux vous en convaincre, pesons exactement le sens de ces expressions. – Il vient de dire : « Je suis celui qui a fait la lumière et les ténèbres, » et il ajoute maintenant : « Faisant la paix et créant les maux. » Il a opposé précédemment deux contraires : ici encore, ce sont deux contraires qu’il oppose : n’allez donc pas vous figurer qu’il s’agit de fornication, par exemple : il n’est question que de simples accidents. En effet, quel est l’opposé de la paix ? Évidemment la captivité, et non l’incontinence, ou la fornication, ou la convoitise. Plus haut il a mis en regard deux termes opposés : il en est de même ici : or le contraire de la paix, ce n’est point la fornication, ni l’adultère, ni l’incontinence, ni aucun des autres vices, mais bien la captivité, la servitude. Mais nous éprouvons à l’égard des choses la même illusion qu’à l’égard des éléments. Par exemple, Dieu a fait la lumière et les ténèbres ; et la plupart des hommes trouvent des charmes à la lumière, et sont importunés par les ténèbres : ils accusent la nuit comme si elle était malfaisante : et il en est de même pour les choses : Néanmoins il ne faut accuser ni la nuit ni les ténèbres, ni, à parler absolument, la servitude ou la captivité. Quel mal, dites-moi, font donc les ténèbres ? Ne sont-elles pas le délassement de nos fatigues, le soulagement de nos inquiétudes, la consolation de nos douleurs, la réparation de nos forces ? Sans les ténèbres, sans la nuit, comment jouirions-nous de la lumière ? L’être que nous sommes ne serait-il pas détruit, exterminé. – Eh bien ? de même que la nuit passe aux yeux des sots pour un mal, sans que ce nom lui convienne, attendu qu’elle est une auxiliaire du jour, et qu’en nous délassant, elle nous rend plus propres aux travaux de la journée : de même ce n’est pas davantage un mal que la captivité, dont le Prophète voulait parler en disant : « Celui qui fait la paix, et crée les maux ; » elle est plutôt utile à ceux qui en usent comme il faut : elle les rend meilleurs et plus sages en guérissant leur esprit égaré.