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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/497

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dessus des passions, et ne cesse de faire effort, jusqu’à ce qu’il ait rendu sa barque au port tranquille de la sagesse.
Ce qui arrive sur mer et dans la conduite de nos pensées, doit se rencontrer aussi dans l’explication de l’Écriture : le trouble, la crainte peuvent nous saisir, quand nous arrivons en pleine mer, non que la mer soit dangereuse, mais parce que nous sommes des navigateurs inexpérimentés. Un discours facile à comprendre par lui-même, peut devenir difficile par suite de l’inexpérience des auditeurs, et je vais en tirer de saint Paul un exemple. Après avoir dit que le Christ a été pontife selon l’ordre de Melchisédech, alors qu’il recherche ce qu’est Melchisédech, il ajoute. « Nous avons sur lui à dire des choses nombreuses et difficiles à expliquer. » (Heb. 5,11) Que veux-tu dire, ô saint Paul ? Difficile à expliquer pour toi, qui es doué de la sagesse d’en haut ? pour toi, qui as entendu les mystères ? pour toi, qui as été ravi au troisième ciel ? Si tu ne peux les expliquer, qui les comprendra ? – Difficiles à expliquer, dit-il, non à cause de ma propre faiblesse, mais à cause de l’ignorance de ceux qui m’écoutent. Car, après avoir dit, « difficiles à expliquer, » il ajoute, « parce que vous avez l’esprit lent à m’entendre. »
Voyez-vous que ce n’est pas la nature de sa parole, mais bien l’ignorance des auditeurs, qui rend cette parole difficile à comprendre quand elle ne l’est pas par elle-même ? La même cause la rend encore longue, bien que par elle-même elle soit courte. Aussi ne se borne-t-il pas à dire « des choses difficiles à expliquer ; » il dit encore « des choses nombreuses, » imputant à la fois et la longueur et la difficulté à l’esprit lourd de ceux qui l’écoutent. De même, en effet, qu’il ne faut pas servir aux malades une table sans variété et sans apprêt, mais leur présenter des mets de toute sorte, afin que s’ils ne veulent pas de l’un, ils prennent d’un autre (Le texte parait avoir été altéré par des répétitions.), s’ils refusent celui-ci ils acceptent celui-là ; s’ils en repolissent un, ils portent la main sur un autre, afin que la variété triomphe de leur peu d’appétit, et que la diversité des plats finisse par vaincre leur dégoût ; ainsi faut-il faire souvent pour notre esprit, quand nous sommes faibles, il faut alors nous offrir des discours abondants, pleins de comparaisons et d’exemples variés, de démonstrations et de périodes, de mille choses, enfin, parmi lesquelles nous pourrons facilement choisir ce qui nous est utile. Quelque long et difficile à expliquer que dût être son discours, Paul n’a pas renoncé à enseigner à ses disciples ce qu’était Melchisédech ; en disant « long et difficile à expliquer,» il a éveillé leur attention, il les a empêchés d’écouter avec indifférence ; mais il ne leur présente pas moins la table chargée, et il donne satisfaction à leur désir.
2. Faisons donc de même. Quoique nous ne puissions mesurer l’immense étendue, ni atteindre aux dernières profondeurs de la pensée de l’Apôtre, risquons-nous sur les flots, nous assurant, non dans notre force, mais dans la grâce qui nous est donnée d’en haut ; risquons-nous sur les flots, non par confiance en nous-même, mais pour votre salut, et imitons en cela saint Paul. Car il n’a pas privé ses frères de ses instructions sur Melchisédech ; écoutez plutôt la suite. Après avoir dit : « nous aurons sur lui à dire des choses nombreuses et difficiles à expliquer,» il ajoute : « Car ce Melchisédech, roi de justice est aussi roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix, qui n’a ni père, ni mère, ni généalogie, ni commencement, ni fin, est l’image du Fils de Dieu, et demeure pontife à jamais. » (Heb. 7,1-4) Vos oreilles n’ont-elles pas été blessées de l’entendre dire d’un homme « qu’il n’a ni père, ni mère, ni généalogie ? » Et que dis-je, d’un homme ? Quand ce serait du Fils, ne soulèverait-il pas encore une grave question ? Car s’il n’a pas de Père, comment est-il le Fils ? S’il n’a pas de mère, comment est-il le Fils unique ? Il faut bien qu’un fils ait un père, ou bien il ne serait pas fils. Mais le Fils de Dieu n’a ni père, ni mère ; pas de père, par sa naissance terrestre ; pas de mère, par sa naissance céleste. Non, sur terre il n’a pas de père, et dans les cieux il n’a pas de mère. « Il n’a pas de généalogie. » Que ceux qui examinent curieusement sa substance l’entendent ! Il en est pourtant qui admettent que ces mots. « Il n’a pas de généalogie, » s’appliquent à sa naissance céleste. Certains hérétiques ne le veulent même pas : car ils recherchent et scrutent indiscrètement cette naissance : les plus modérés cependant cèdent sur ce point, et prétendent que ce mot : « Il n’a pas de généalogie,» est dit de sa naissance terrestre. Montrons donc que Paul l’a dit du l’une et de l’autre, et de la céleste et de la terrestre. Car l’une est d’une majesté accablante, et l’autre est un mystère insondable. Aussi Isaïe