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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/51

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langue est la plume d’un écrivain alerte. » La plume écrit ce que lui commandent les doigts qui la tiennent pourquoi : « Alerte ? » Afin de montrer ici encore l’opération de la grâce. Celui qui parle en son propre nom est lent ; il perd du temps à réfléchir, à composer ; l’ignorance, l’inexpérience l’entravent et le retardent : mille choses mettent obstacle à la rapidité du discours. Mais quand l’Esprit-Saint agit sur une intelligence, rien ne vient ralentir son action : comme un fort courant d’eau s’élance avec fracas, la grâce de l’Esprit court avec une incomparable vitesse, aplanissant, unissant tout sur son passage. Puis revenant sur ses paroles pour les purger de ce qu’elles peuvent avoir d’humain, il ajoute : « Autrement beau que les fils des hommes. »
Quelques-uns font rapporter ceci à la langue, croient que cette beauté est celle de la plume. Moi, je crois que le Psalmiste a maintenant en vue le Christ : de là cette traduction d’un autre interprète : « Vous avez été paré de beauté par les fils des hommes. » Dans sa ferveur, dans la violence de son amour, il apostrophe subitement le Christ, ainsi que Jacob dit : « Tu es sorti du germe, mon fils. « Tu t’es couché et endormi comme un lion. » Saisi d’enthousiasme, c’est au Christ désormais qu’il s’adresse. Ne voyez-vous pas ici une comparaison ? il ne dit pas a plus beau, « mais autrement, beau que les fils des hommes. » Ce sont, veut-il dire, des beautés différentes. Considérez maintenant comment, tout en commençant ; il aborde le mystère de l’incarnation. C’est ce que 1a suite rend manifeste. Car, après avoir dit : « Autrement beau que les fils des hommes », il ajoute : « la grâce a été répandue sur vos lèvres. » Dieu n’a pas de lèvres : ce langage suppose l’Incarnation. Un autre interprète a rendu la chose encore plus claire, en disant : « La grâce est remontée sur tes lèvres. » Que signifie, en effet, cette expression, est remontée, sinon en d’autres termes : la grâce qui était – en toi a jailli au-dehors ? Comment donc un autre prophète peut-il dire « Nous l’avons vu, et il n’avait ni éclat, ni beauté : mais son apparence était humble, inférieure à celle des fils des hommes ? » (Is. 53,2-3) Ce n’est point la laideur, à Dieu ne plaise ! qu’il veut désigner par là, mais la bassesse de condition. Une fois qu’il eut consenti à devenir homme, il vécut sans cesse dans l’abaissement : il ne voulut point d’une reine pour mère, d’une couche dorée pour berceau ; il naquit dans une crèche ; il fut élevé non pas dans un palais magnifique, mais dans l’humble échoppe d’un artisan. Puis quand il choisit des disciples, ce ne furent point des rhéteurs, des philosophes, des rois, mais des pécheurs et des publicains : telle est l’humble existence qu’il rechercha, sans maison, sans riches vêtements, sans table somptueuse, vivant aux dépens d’autrui, insulté, dédaigné, chassé, persécuté. Par là il se proposait de mieux abattre l’orgueil humain. C’est donc parce qu’il écartait de lui toute pompe, tout appareil, parce qu’il n’avait ni suivants, ni satellites, que même il allait quelquefois seul comme un homme du vulgaire, qu’Isaïe a dit : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni éclat, ni beauté », tandis que le Psalmiste dit : « Autrement beau que les fils des hommes », par allusion à la grâce, à la sagesse qui étaient en lui, à sa doctrine, à ses miracles. Puis il ajoute, pour donner une idée de cette beauté : « La grâce a été répandue sur vos lèvres. » Voyez-vous qu’il s’agit de l’incarnation ? Mais de quelle grâce est-il question ici ? De celle qui inspirait la prédication de Jésus et ses miracles. Il parle ici de la grâce descendue dur la chair : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre comme une colombe et se reposer c’est celui-là qui baptise. » (Jn. 1,33) Car il n’est pas de grâce qui n’ait été répandue dans ce temple. L’Esprit-Saint ne lui mesure pas ses dons : « Nous, nous avons reçu de sa plénitude (Jn. 1,16) ; » mais ce temple-là reçut la grâce sans restriction. Isaïe a exprimé la même chose en disant : « L’Esprit de sagesse et d’intelligence se reposera sur lui, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de science et de piété, l’Esprit de la crainte de Dieu le remplira. » (Is. 11,2-3) Mais en lui la grâce est complète ; chez les hommes, il n’en existe qu’une goutte, une parcelle. Aussi n’est-il pas écrit : je donne l’Esprit, mais bien : « Je répandrai de mon Esprit sur toute chair. » (Joël, 2,28)
3. C’est, en effet, ce qui arriva. Toute la terre entra en participation de cet Esprit. Le bienfait commença par la Palestine : il passa de là en Égypte, en Phénicie, en Syrie, en Cilicie, dans la région de l’Euphrate, ta Mésopotamie, la Cappadoce, la Galatie, la Scythie, la Thrace, la Grèce, la Gaule, l’Italie, la Libye